The Grandmaster (Wong Kar-wai, 2013)

Publié le 10 Juillet 2016

Yip Man est un maître de Kung-Fu qui a réellement existé. Gong Yutian, un vieux maître du Nord, arrive, qui a désigné Ma San pour être son successeur. Le Sud devant également avoir un successeur, c'est Yip Man qui est choisi. Il doit donc se battre contre Gong Yutian, mais en fait ils s'échangent des phrases philosophiques autour d'un gateau sec, et c'est Yip Man qui gagne. Gong Er, la fille de Gong Yutian, est toute colère, et du coup elle se bat contre Yip Man, et elle gagne. Mais ce combat a créé de l'électricité sensuelle entre eux deux.
La guerre sino-japonaise éclate (on est donc en 1938),
Yip Man perd tout et sombre dans la pauvreté. Pendant ce temps, dans le Nord, Ma San devient un méchant, pactise avec les Japonais et tue son maître Gong Yutian. Gong Er est toute vénère. Son père lui a dit de ne pas le venger mais elle désobéit. Elle se bat contre Ma San, et elle gagne et lui il meurt.
Yip Man part à Hong Kong où il devient un maître de kung-fu. Il recroise Gong Er, en lui proposant une revanche, mais en fait elle veut pas. Elle lui dit qu'elle a ressenti des trucs pour lui, et puis lui aussi, et puis ils se quittent, et comme elle a été blessée dans le combat contre Ma San, elle sombre dans l'opium et elle meurt.

Je crois qu'on aura compris au ton de mon résumé que je n'ai pas particulièrement apprécié ce film, visible sur Arte + 7 pour quelques jours encore.
Premier problème : je n'ai pas compris la moitié de l'histoire. On assiste à une suite de scènes de dialogue entrecoupées de bastons, sans bien comprendre ce qu'il se passe ni quels sont les enjeux. Quasiment tous les combats commencent et se terminent sans que je sache bien pourquoi ni comment, ni s'il y a eu un vainqueur et pourquoi. Le plus éloquent est le fameux combat de phrases philosophiques autour d'un gateau sec, qui m'a complètement échappé. Et, j'insiste, comme on ne comprend pas les enjeux des bastons, parce qu'ils sont confus, celles-ci ne parviennent pas à créer de tension, et on finit presque par s'ennuyer. Dans n'importe quel Bruce Lee, l'enjeu est simple : il y a les méchants, et Bruce Lee doit leur péter la gueule. Là, à part Ma San, il n'y a pas de méchant, et on comprend pas bien pourquoi tout le monde se bat (ce qui peut parfois presque faire penser que les persos sont des connards, qui se mettent à foutre des coups de tatane dès que quelqu'un les bouscule un peu dans la rue).
Et toute l'histoire est racontée avec d'énoooormes ellipses, genre de plusieurs années, qui passent sous silence des évènements un peu importants, ou qui empêchent de vraiment s'attacher aux personnages, puisqu'on passe d'une époque à une autre, d'un lieu à un autre, d'une histoire à une autre. Ce qui me donne l'impression que
Wong Kar-wai a voulu parler de trop de choses dans son film (l'opposition
Nord/Sud, l'invasion japonaise, la vengeance de Gong Er, le destin de Yip Man) sans arriver à choisir, ce qui fait du film une sorte de gros gâteau un peu indigeste et dont on a du mal à identifier les ingrédients principaux.
Outre les scènes de bastons sans enjeu, il y a des scènes de dialogues où on comprend rien à force de sous-entendus permanents. Le tout agrémenté d'un certain nombre de clichés, tels le jeune apprenti qui passe à côté de la sagesse parce qu'il ne pense qu'à sa gloire personnelle, qui est un personnage que j'ai vu dans à peu près tous les films de kung-fu, il serait temps de passer à autre chose. Ce qui fait que, bien que ce soit un film inspiré de faits et personnages historiques, tout manque d'incarnation, de chair, de réalité et qu'on s'ennuie quand même pas mal.
(Mais je suis probablement un peu con et je manque sans doute de subtilité).

Les scènes de dialogues ou contemplatives sont assez belles, les cadres sont beaux et la lumière est magnifique, Wong Kar-wai n'est pas nul, mais par contre, il ne sait pas du tout filmer des combats, c'est abusé. C'est monté n'importe comment, sans continuité de mouvement, en passant sans arrêt de plans moyens à des gros plans mal identifiables (c'est quoi, c'est un poing ? il est à qui ? D'où sort ce pied ?) avec, pour couronner le tout, quelques faux-raccords très visibles de temps en temps. Franchement, c'est pas mieux que n'importe quel film de super-héro Marvel (où les bagarres sont aussi super mal filmées). Tout cela est entrecoupé de ralentis sur des gouttes d'eau qui tombent et des flocons de neige qui volent. C'est joli et poétique, patati patata, mais c'est surtout maniéré et ça ne contribue pas à faire que l'on comprenne ce qui se passe à l'écran. D'autant plus que les acteurs ont l'air super forts en kung-fu, et que j'aimerais bien comprendre ce qui se passe à l'écran.
Dès les cinq premières minutes du film tous les défauts sont là : c'est mal monté, c'est maniéré, il y a des faux raccords, et c'est un combat parfaitement sans enjeu parce qu'on n'a aucune idée de qui sont ces gens qui se battent, ni pourquoi. Et on ne le saura jamais.

Il faut dire que même s'il y a de la bagarre, ce n'est claiement pas un « film d'action », ni même un film de kung-fu en fait, mais un film plutôt contemplatif avec une fin très mélancolique. Ce qui rend d'autant plus WTF la séquence post-générique : on y voit un « best-of » des bastons mal filmées de Yip Man sur une musique qui fait peur, avec ce dernier qui dit, en regardant la caméra, « le kung-fu est une question de style... quel est le votre ? »
Une telle séquence pourrait à la limite passer dans la bande annonce d'un film de super-héros Marvel, mais ça serait déjà ridicule. Alors, Wong Kar-wai, mettre ça à la fin de ton film, qui n'est pas un film de baston, c'est n'importe quoi, et ça donne l'impression que tu essayes de te rattrapper aux branches.

* * *

J'avoue avoir du mal à comprendre l'enthousiasme de la critique sur ce film. Je ne vois pas d'autre raison qu'une forme de snobisme : c'est du kung-fu, certes, mais comme c'est Wong Kar-wai, c'est chic, on a le droit de s'esbaudir.
Alors que The Fist of legend avec Jet Li, La Légende de Fong Sai Yuk
avec Jet Li, Le Maître chinois avec Jackie Chan, ou n'importe quel film avec Bruce Lee, genre La Fureur de vaincre (pour ne citer que des films plutôt connus) sont d'infiniment meilleurs films de kung-fu, voire même de meilleurs films tout court, que The Grandmaster. Alors oui, on n'est pas toujours très loin du nanar avec ces films, mais je préfère un nanar sympa avec des super scènes de baston à un film qui se prend extrèmement au sérieux avec des scènes de baston ratées.

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #kung-fu, #Hong-Kong

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