L'armée des douze singes (Terry Gilliam, 1995) – La jetée (Chris Marker, 1962)

Publié le 12 Octobre 2016

# attention je spoile sans vergogne #

En 1996, un virus a décimé 99% de la population mondiale. Les survivants vivent sous terre, isolés dans des sortes de bunkers. Dans ce futur dystopique, James Cole (Bruce Willis) est un des « volontaires » choisis de force pour retourner dans le passé trouver l'origine du virus, lâché par une faction mystérieuse qui se fait appeler l'Armée des 12 singes.
Une erreur l'envoie en 1990 où il se retrouve interné dans un hôpital psychiatrique. Suivi par la psychiatre Kathryn Railly (Madeleine Stowe), il y rencontre Jeffrey Goines (Brad Pitt), une sorte d'illuminé anticonsommation dont le père travaille sur les virus (tiens tiens). Cole est ramené dans son présent pour un debrief, puis ramené en 1996, quelques mois avant l'infection. Il force Kathryn Railly, convaincue qu'il est fou, à l'accompagner à la recherche de Goines, soupçonné d'être le leader de l'Armée des 12 singes. Ce dernier, toujours fou mais maintenant aux côtés de son influent père, nie tout rapport avec le virus.
Ramené dans son présent, Cole est de plus en plus convaincu d'être fou et victime d'hallucinations. Pendant ce temps (enfin, façon de parler) Railly découvre des indices qui lui font penser que Cole dit vrai.
Revenu en 1996, Cole et Railly décident de partir en Californie, pour que Cole puisse voir l'océan pour la première fois de sa vie. Ils réalisent que Goines n'a rien à voir avec le virus, mais découvrent qu'un assistant du père de Goines est le réel propagateur du virus. En cherchant à l'abattre, Cole est tué par des policiers, dans une scène qui reproduit un rêve récurrent de ce dernier, probablement un souvenir d'enfance. L'assistant prend l'avion tranquillement, le futur adviendra.

Je suis sûr d'avoir vu ce film quand j'avais plus ou moins 13-14 ans, et pourtant je n'en avais gardé aucun souvenir. Mais vraiment aucun, comme si je ne l'avais pas vu. Suis-je moi aussi fou, victime d'hallucinations schizoïdes ?
C'est d'autant plus étonnant qu'il est très bien, ce film. Acteurs au poil, décors magnifiques, réalisation habile, accompagnant élégamment les détours du récit, scénario finement ficelé, jouant avec nos perceptions de la réalité – même si j'aurais presque aimé que ça aille plus loin sur ce terrain, mais que voulez-vous, je ne suis jamais content. Non, je cherche, je ne vois pas reproche à lui faire.

* * *

Je n'avais pas encore vu La Jetée, le film mythique de Chris Marker, qui a inspiré L'Armée des douze singes. Il y a des éléments communs, une même trame, de grosses divergences aussi. Il faut dire que le film de Chris Marker ne dure « que » 28 minutes, alors que Terry Giliam a plus de deux heures pour développer son propos.
Le personnage principal est hanté par une scène de son enfance : sur la jetée de l'aéroport d'Orly, une femme, un homme qui se fait tuer. Mais entretemps il y a eu la troisième guerre mondiale, l'humanité a été décimée et les survivants se terrent dans des souterrains. On demande à l'homme d'aller explorer le passé, pour trouver des vivres, des médicaments. Il retrouve la femme de ses visions, passe du temps avec elle. On l'envoie dans le futur, les générations suivantes lui donnent un générateur surpuissant permettant à l'humanité de survivre. Ils lui offrent de venir vivre avec eux, mais lui veut retrouver la femme du passé. Il repart, il est sur la jetée d'Orly, il voit la femme, mais les autorités de son temps ne supportent pas ce genre de désertion et le tuent.

Je ne suis pas sûr d'avoir regardé les deux films dans le bon ordre : la source ou la reprise en premier ? Je ne vais en tout cas pas jouer aux jeu des différences, elles sont multiples. La jetée est beaucoup plus court, plus simple, c'est une sorte histoire d'amour teintée de fantastique/SF ; le film de Terry Gilliam a quant à lui un discours plus poussé et plus fort sur la folie et l'irréversibilité du temps. Ce qui n'empêche pas le « photo-roman » de Chris Marker d'être très beau. Les images, fixes évidemment, sont superbes, de belles photos avec un noir et blanc très dense, très sombre, contrasté, il doit y en avoir quelques centaines et elles sont toutes belles, fortes et évocatrices. L'histoire relativement simple laisse une large part à une forme de poésie, augmentée par le mode narratif : on remplit le vide laissé entre deux photos, la vision du film est beaucoup plus active, plus personnelle, voire intime.

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #science-fiction, #États-Unis

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