I origins (Mike Cahill, 2014)

Publié le 30 Novembre 2016

Ian Gray (Michael Pitt) est un scientifique qui travaille avec sa jeune assistante Karen (Brit Marling) sur la structure de l'œil, visant à prouver son évolution au fil du temps – et donc à réfuter les théories créationnistes, qui considèrent que la perfection de l'œil est la preuve de l'intervention divine. Passionné, il prend des photos des yeux d'à peu près tous les gens qu'il croise.
À une soirée d'Halloween, il rencontre une jeune femme masquée aux yeux magnifiques et c'est un coup de foudre mutuel. Sauf que la demoiselle s'enfuit, et qu'il ne sait pas comment la retrouver. Un matin, alors qu'il est 11h11m11s, guidé par une intuition sortie d'on ne sait où, il monte dans le bus 11 qui s'arrête juste devant lui (#WTF). Quand un chien aboie, il se dit que c'est le bon moment de sortir du bus (#WTF). Et devant lui se dresse une publicité pour un parfum sur laquelle il reconnaît les yeux de l'inconnue, qui s'avère donc être Sofi (Àstrid Bergès-Frisbey), mannequin.
Et puis un jour, par hasard, il la croise dans le métro, et ils se font des bisous, et c'est formidable, c'est l'amour fou. Elle est pourtant à l'opposé de Ian : très spirituelle, croyant à la réincarnation, aux vies antérieures, aux forces spirituelles...
# attention à partir de là je spoile # Sauf qu'un jour elle meurt d'une façon assez atroce.
Sept ans plus tard, Ian est marié avec Karen, ils ont un enfant. Lors d'un scan rétinien, ils découvrent que leur fils a la même signature rétinienne qu'un type mort, ce qui est statistiquement impossible (comme les empreintes digitales, les yeux sont uniques). Ils se posent un peu des questions, mais très vite ils se disent que l'hypothèse la plus plausible est celle d'une forme de réincarnation (#WTF). Ils découvrent qu'une petite indienne de ± 7 ans a les mêmes yeux que Sofi. Ian part à sa recherche, il a soumet à un test qui consiste à lui montrer des photos d'objets liés à Sofi pour voir si elle les reconnaît. Le test est raté. En partant, alors qu'ils s'apprêtent à prendre l'ascenseur, la petite est prise d'une crise de panique. Coïncidence ? Je ne crois pas...
# fin du résumé mais les spoils continuent dans la critique #

Ce film est donc l'itinéraire d'un cartésien vers une forme de mysticisme*. Sauf que le chemin que Mike Cahill fait emprunter à son personnage n'est pas assez cartésien, justement, pour être crédible par rapport à ce qu'on sait du personnage. Le résultat c'est que j'ai fini par décrocher et par ne plus croire du tout à cette histoire.
Ainsi, Ian passe presque pour un connard relou à constamment répéter à Sofi que lui est rationnel, qu'il ne croit pas à ses bêtises enfantines de réincarnation et compagnie ; il l'engueule presque de croire à ça. La ficelle est grosse : forcer un trait de caractère pour valoriser un changement du personnage par la suite. Sauf que ce changement repose sur une hypothèse totalement farfelue (pour ce personnage) : les yeux sont le miroir de l'âme, si on a les mêmes yeux qu'un·e autre cela veut dire qu'on partage la même âme. Je n'arrive pas une seule seconde à croire qu'une telle hypothèse puisse arriver aussi vite et paraître aussi évidente au personnage qui est dépeint au début du film. Il faudrait d'abord écarter l'hypothèse d'une erreur (tout cela repose sur un logiciel qui pourrait avoir ses failles) ou d'une coïncidence, voire d'un postulat de base erroné : peut-être que les iris ne sont finalement pas si uniques que ça. Mais non, Ian et sa femme Karen, tout aussi cartésienne, privilégient directement l'hypothèse d'une forme de réincarnation (ce sont donc les deux seuls scientifiques à n'avoir jamais entendu parler du rasoir d'Ockham).
Sur un registre anecdotique, le protocole de l'expérience visant à tester la petite indienne est complètement biaisée et non-scientifique**, ce qui, encore une fois, est un comble pour ces personnages présentés comme farouchement scientifiques.

Le schéma est assez classique, c'est celui d'un récit fantastique : dans un monde rationnel, des éléments de fantastique vont petit à petit amener un personnage à modifier son jugement, entraînant le spectateur avec lui. Et c'est ce cheminement, au cœur du film, que Mike Cahill a pour moi raté. La bascule est ici trop brutale pour être crédible, et c'est dommage. Le film est assez prévisible : à part les incongruités, j'avais plus ou moins anticipé tout ce qu'il se passe (alors que normalement je suis nul à ce jeu, hein). Tout ça combiné, ça fait beaucoup, j'ai trop vu les (nombreuses) grosses ficelles un peu mélo pour adhérer.
C'était pourtant un film que j'avais envie d'aimer : c'est un film indépendant, avec des super acteurs, qui se base sur une idée belle et poétique (retrouver un être que l'on a aimé à travers les yeux d'un autre), avec une réalisation plutôt classique mais belle. Dommage.

* Je sais que ces termes ne sont pas parfaitement appropriés, mais faute d'en trouver de meilleurs je vais rester sur cette opposition cartésien/mystique. Je précise quand même qu'il n'y a rien de péjoratif dans le choix de ce terme !

** Sur ce genre d'expérience, on n'annonce pas « correct » et « incorrect » à voix haute, ça laisse penser au sujet qu'il y a une bonne et une mauvaise réponse, c'est stressant et ça peut fausser ses réponses.

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #science-fiction

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