Whiplash (Damien Chazelle, 2014)

Publié le 14 Mars 2017

Andrew Neiman est un jeune batteur de batteur de jazz au sein du prestigieux Shaffer Conservatory de New York. Membre d'une petite formation, il est repéré par l'exigeant Terence Fletcher pour faire partie de son prestigieux big band.
Le film raconte la façon dont Fletcher maltraite ses étudiants sous prétexte les pousser dans leurs retranchements, et comment Andrew va essayer de lui résister, de trouver sa place, voire de prendre sa revanche.

Et je crois que je n'ai pas trop aimé ce film, pour plein de raisons que je vais essayer de développer. Fletcher est un tyran manipulateur, insultant, lunatique et arrogant, qui n'hésite pas à humilier, parfois gratuitement, ses élèves, qui se sert de leurs défauts et de leurs failles pour les blesser à dessein (Andrew n'a pas connu sa mère et Fletcher s'en sert pour se foutre de sa gueule). Il peut être agréable ou sympathique par moments, mais il peut vriller à chaque instants. J'en ai eu une boule au ventre pendant tout le film, tellement j'étais tendu et stressé.
Bref, Fletcher est un sale connard, même pas vraiment charismatique. Et pourtant, tout le monde cherche à lui plaire, même Andrew, et ce jusqu'à la fin du film, où (attention spoiler) il prend sa revanche, d'abord contre Fletcher, puis avec lui : ils jouent ensemble, dialoguent, tous les deux sont contents. C'est donc un film où le méchant gagne. Je ne sais pas si c'est pensé comme ça par Chazelle, mais je trouve ça profondément déprimant.
J'ai du mal à comprendre comment Fletcher peut attirer autant de monde – enfin si, j'ai été étudiant, je vois la fascination que peut exercer ce genre de personnage, le syndrome de Stokholm, tout ça. Mais quand même.
C'est un film qui a certes comme surface la musique, mais qui parle de maltraitance, d'humiliation, de l'emprise qu'un tyran peut exercer sur quelqu'un. De jazz, finalement, il n'est pas question dans Whiplash : c'est un vernis, mais ce qui est montré à l'écran, c'est un entraînement sportif ou militaire, mais il n'y a pas de place pour l'« artistique. » Fletcher n'est pas un musicien, les anecdotes sur Charlie Parker sont déformées, les musiciens ne sont jamais poussés à jouer ensemble mais plutôt les uns contre les autres, les batteurs cités en exemple ne font pas partie du panthéon du jazz...
Pour moi, le jazz c'est la liberté, le risque, l'expression, et rien de tout ça n'est présent dans le film : on n'y voit que contrôle, maîtrise, technique, technique, technique (à l'image du mauvais solo de batterie final), ce qui est à l'opposé de l'idée que je me fais du jazz. Fletcher ne recherche pas des musiciens, mais simplement des interprètes parfaits d'une musique mathématique, sans âme.

Pour son deuxième long-métrage, Damien Chazelle (également scénariste du film) fait un travail de réalisation pas très habile : recours systématique à un champ-contre-champ très scolaire pour les scènes de dialogues, effets de montages un peu kitchs sur le rythme de la musique dans les intermèdes – Whiplash a pourtant reçu plusieurs prix pour son montage, bon... C'est propre mais ce n'est ni inventif ni surprenant – ni musical, ou pas plus que ce qu'on peut voir à la télévision dans les émissions de variété. Je n'ai pas vu Lalaland, mais j'espère qu'il a progressé cinématographiquement parlant...
Une fois tous ces éléments combinés, je crois que j'ai du mal à comprendre l'engouement énoooorme pour ce film... Qui n'est pas vraiment raté, mais qui est loin d'être le chef-d'œuvre que tout le monde semblait annoncer.
(Et je ne parle pas de l'absence de femmes dans ce film, ni des très nombreuses insultes homophobes que profère Fletcher à longueur de temps, ni de l'absence de personnages principaux Noirs – dans un film qui est sensé parler de jazz, c'est un peu problématique je trouve...)

* * *

Je me plonge dans la presse jazz, et ce que j'y lis confirme ce que je pense : il n'y a pas de jazz dans ce film.

Whiplash sur All About Jazz (en)
Getting Jazz Right in the Movies dans le New Yorker (en) (qui n'est pas tendre, mais c'est une lecture passionnante pour ceux que cette question intéresse et qui voudraient aller plus loin que la fausse image que donne Whiplash)

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #jazz, #États-Unis

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