Rencontre du troisième type (Steven Spielberg, 1977)

Publié le 17 Juillet 2017

On retrouve des avions disparus pendant la seconde guerre mondiale au Mexique intacts et en parfait état de marche ; un cargo disparu dans les années 1920 réapparaît en plein désert de Gobi ; des jouets électroniques se mettent à fonctionner tout seuls au milieu de la nuit ; il y a des coupures de courant à grande échelle ; un chant « venu du ciel » de cinq notes est scandé par une foule en Inde... Roy, un électricien, fait une rencontre spectaculaire alors qu'il est en voiture : tout s'éteint, les panneaux se mettent à vibrer, une lumière intense l'enveloppe et fait flotter les objets dans son habitacle. Le tout jeune Barry et sa mère Jillian sont également confrontés à ce phénomène. Roy et Gillian sont hantés par la vision d'une sorte de montagne, alors que Barry joue les cinq notes chantées par les Indiens. Jillian et Barry sont témoins d'un autre évènement similaire, au cours duquel Barry est enlevé.
Pour le français Claude Lacombe, il s'agit d'un contact extraterrestre. Les alentours de Devils Tower dans le Wyoming sont évacués suite à la réception de coordonnées indiquant ce lieu. Jillian et Roy, apprenant la nouvelle de l'évacuation (dont la vraie raison est évidemment gardée secrète) à la télévision découvrent que la forme de cette montagne correspond parfaitement à leur vision, et décident de s'y rendre coûte que coûte.
Les préparatifs faits à Devils Tower, les scientifiques et militaires américains attendent les visiteurs qui ne se font pas tarder : les trois premiers vaisseaux, aperçus au début du film apparaissent et réagissent à la séquence de cinq notes. S'ensuit une sorte de ballet avec différents vaisseaux, laissant la place au gigantesque « vaisseau-mère », jouant une superbe séquence de dialogue musical avec le clavier des américains, rapportant des individus enlevés, laissant descendre des « petits hommes gris » et emportant avec eux Roy.

Ah, en voilà un grand classique de la SF ! Visuellement ça reste bluffant et spectaculaire. Toute la première partie, alors que les phénomènes étranges se multiplient, est assez remarquable par la beauté de ses visions : une tempête de sable au Mexique, un Cargo dans un désert, des nuages effrayants, des lumières aveuglantes... Le film est une réussite, le crescendo bien construit jusqu'à un final impressionnant, que j'imagine avoir été très scotchant pour les spectateurs de 1977 dans une salle de cinéma – déjà que moi en 2017 avec mon petit ordinateur portable...
Malgré tout, le film n'est pas exempt de défauts. Il prend le parti pris d'être au plus près des personnages ordinaires, Roy et Jillian, mais n'est pas toujours très fin dans leur évolution. Je pense notamment aux rapport de Roy à sa famille, très affectée par son basculement dans la folie induit par ses visions obsédantes de la montagne, qui auraient mérités d'être affinés. D'ailleurs, on n'entend plus jamais parler de cette famille après le moment où la mère emmène ses enfants loin du père devenu effrayant : à la fin du film, alors que Jillian ne pense qu'à retrouver son fils, Roy n'en a rien à foutre de ses enfants et part joyeusement dans le vaisseau extraterrestre (la femme est maternelle, l'homme est un aventurier freiné par sa famille qui ne le comprend pas).
Mais ce qui parait le plus étrange rétrospectivement (parce que pendant le film, on est pris par la magie du truc), c'est l'absence totale de réflexion sur les extraterrestres : qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Que viennent-ils faire ici ? À aucun moment le film ne se pose ces questions... On reste avec énormément d'interrogations en suspens : pourquoi avoir choisi ce site ? Que veut dire cette séquence de cinq sons ? le double concerto pour vaisseau et clavier porte-il un message pour l'humanité ?... Lors de la rencontre finale avec les vaisseaux puis les E.T., les militaires et scientifiques n'ont pas l'air d'être plus surpris que ça, il sont un peu épatés mais sans plus. ALORS QUE QUAND MÊME. Je comprends le choix de Spielberg de ne pas faire de la philosophie et de préférer s'intéresser aux personnages, mais ça a ses limites.
Sinon, même si je l'aime bien, il faut dire que Truffaut n'est pas un bon acteur.. Je trouve touchant que Spielberg lui ait proposé de jouer dans son film et qu'il ait accepté, mais je trouve ça un peu étrange, dans la mesure où rien n'est plus opposé au cinéma de Spielberg que celui de Truffaut ou de la Nouvelle Vague – d'autant plus que Rencontre du troisième type est une énorme superproduction... Pourtant les deux hommes avaient manifestement beaucoup de respect l'un pour l'autre, en témoigne ce que raconte Truffaut en 1984 à propos du tournage ; ou cet échange épistolaire avec un pauvre type1 qui lui reproche d'avoir tourné dans un nanard – ce dont Truffaut se défend.

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1. Je ne sais pas qui est l'interlocuteur de Truffaut mais c'est manifestement un gros con : « mon image de l'enfance est celle d'enfants relativement obéissants, bien élevés et soumis aux adultes, et non celle de l'enfant-roi querelleur et mal embouché que promeut Spielberg. Je rêve d'un film de Spielberg où un enfant subirait une magistrale fessée déculottée après s'être montré désobéissant. »

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #Spielberg, #science-fiction

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