Memento (Christopher Nolan, 2000)

Publié le 19 Août 2017

Bon, autant prévenir tout de suite : il est impossible de parler de Memento sans spoiler
comme un ouf. Donc si vous voulez voir ce (super) film, autant revenir ici plus tard !

Depuis l'assassinat de sa femme, Leonard est atteint d'une perte de la mémoire immédiate, qui l'empêche de fabriquer de nouveaux souvenirs. Sa mémoire à long terme est intacte, il se souvient de sa vie d'avant, mais il vit continuellement dans le présent, sans se rappeler pourquoi il est dans ce bar, où il voulait aller en voiture, qui est cette personne qui lui parle... Mais il se souvient qu'il a une mission : retrouver un certain John G., l'assassin de sa femme. Il se sert de polaroids pour se rappeler les détails quotidiens (quelle est sa voiture, où il habite) et s'est fait tatouer les principaux indices et recommandations (« trouve-le et tue-le », « Ne répond pas au téléphone »...)

La grande et forte idée de cinéma de Nolan, c'est d'aller dans le sens de son personnage, en montant le film à l'envers. On commence par la vengeance de Leonard qui tue John G., et progressivement on remonte le fil de son enquête, des évènements qui l'ont conduit à ce meurtre. Le spectateur vit donc une expérience similaire à celle de Leonard : il assiste au présent, mais sans avoir accès au passé. Il ne sait pas non plus ce qu'il s'est passé avant, le pourquoi et le comment. Et c'est terriblement bien mené, et angoissant au possible. Parce que rapidement, on comprend qu'il y a quelque chose qui ne va pas, qui ne tient pas la route. Et effectivement, en remontant le fil du récit, on découvre petit à petit les erreurs, approximations et manipulations que subit Leonard, et qui l'amènent à faire les mauvais choix. Et c'est terrifiant.
Ce récit à rebours est entrecoupé de séquences en noir et blanc, pendant lesquelles Leonard raconte au téléphone à un mystérieux interlocuteur l'histoire de Sammy Jankis, un homme atteint du même mal que lui.
Ce qui est fort dans Memento, c'est que Nolan arrive à brouiller complètement les pistes. Qui peut-on croire ? Qui est vraiment Teddy ? Qui est vraiment Lenny ? Qui a vraiment tué sa femme, est-elle vraiment morte ? On ne peut croire rien ni personne, et le film se termine sans avoir donné toutes les réponses – ou plutôt en ayant donné plusieurs réponses qu'il est impossible de démêler. Et inutile, parce que toute la beauté et la force de film résident justement dans cette ambiguïté, que n'aurait évidemment pas reniée Borges.

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma

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