Publié le 19 Février 2014

Il y a quelques jours, j'ai parlé (avec Benjamin, Glen, Sébastien et Rémi) de ces films qu'on voit en se disant « c'est vachement bien, mais plus jamais » (j'ai cité La Pianiste de Haneke, Benjamin a cité L'Apollonide). Twelve Years a Slave, réalisé par Steve McQueen, fait partie de ces films.

Ce films est basé sur l'histoire tragique mais vraie de Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor, impressionnant), afro-américain né libre et enlevé en 1841 par des marchands pour être vendu comme esclave. On lui attribue un nouveau nom, Platt ; on lui conseille, s'il veut survivre, de faire profil bas : ne pas trop la ramener sur son origine sociale, cacher qu'il sait lire et écrire... Il commence à travailler chez un maître plutôt bienveillant, mais l'intelligence de Solomon/Platt rend particulièrement jaloux le charpentier de l'exploitation (Paul Dano, parfait en raciste taré), qui finit par se mettre en tête de le pendre haut et court (expression qui prend tout son sens dans le film). Solomon est racheté par Edwin Epps (Michael Fassbender, impressionnant également), caricature du sudiste persuadé que son droit de maltraiter les esclaves est écrit dans la Bible. S'ensuivent plusieurs longues années de cauchemar dans les plantations de coton. Coups de fouet, viols, maltraitance, humiliations diverses, trahisons...

C'est typiquement le film à Oscars : acteurs impressionnants, sujet fort et vis-à-vis duquel l'Amérique a une certaine culpabilité, magistralement réalisé. Autant le dire, c'est un chef-d'œuvre, par moments beau comme du Terrence Malick (ah, les décors de la Nouvelle Orléans...), avec une patte très personnelle et une noirceur qu'on retrouvait déjà dans Shame (2011). C'est un film très dur, très violent, parfois complètement insoutenable. Steve McQueen n'a pas peur de montrer la violence imposée aux esclaves sous toutes ses formes, dans des scènes souvent très longues, le paroxysme étant atteint quand une pauvre fille, qui est simplement allée chercher du savon pour se laver, se fait fouetter par un Epps/Fassbender complètement fou. Le film est principalement axé sur les douze années de torture endurées par Solomon Northup, et sous-entend le système qui permet ça : l'exploitation organisée d'humains par d'autres, sur trois siècles, de façon très rationnelle et organisée, au vu et au su de tout le monde. On se sort pas du film en sifflotant, il faut quelques heures (et un Parks and Recreation, par exemple) pour vraiment s'en remettre.

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Publié le 19 Février 2014

Moins Qu'un Chien est l'autobiographie du contrebassiste de jazz Charles Mingus, publié en 1971 aux USA, coécrit avec Nel King.

Le mode de narration du livre est un peu étrange : le narrateur semble être la « conscience » de Mingus (j'avoue que je n'ai pas très bien compris). Charles Mingus est ainsi mentionné comme étant « mon petit copain ». C'est assez particulier comme choix, au début j'ai pensé que c'était grave un truc de littérature expérimentale, et puis en fait non. Ce narrateur ne sert à rien, ça donne juste l'impression que Mingus lui-même raconte sa vie à la 3e personne.

Le titre, Moins Qu'un Chien, fait référence à la façon dont étaient traités les Noirs aux USA dans les années 40-50-60. Autant que la question raciale est abordée, et pas forcément sous un jour joyeux. La description des conditions de travail des jazzmen dans les clubs de jazz dans les années 50 est assez terrible : sont sous-payés (genre 80% moins que les Blancs), on leur donne de la drogue (dure) pour créer une addiction afin qu'ils restent jouer dans le club...

Ce livre est une autobiographie, on retrouve donc l'enfance de Mingus, dans des pages souvent touchantes : comment il se fait taper dessus et apprend à se battre, comment il tombe amoureux, comment il découvre la musique... Le coup de foudre avec Lee-Marie, comment le père de celle-ci leur interdit de se revoir, entre autres pour des questions de couleur de peau... Puis ses débuts comme musicien, auprès d'Art Tatum ou aux côtés de Miles Davis (qui apparemment jurait comme un charretier, c'est assez marrant). Mais bon, tout ça c'est pas le vrai sujet du bouquin, qui est : LE CUL ! On y trouve des pages très instructives sur la façon de faire l'amour à une femme jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus et vous supplie à genoux, des longues (longues) pages sur les expériences avec des prostituées de Mingus, en tant que client ou en tant que maquereau, et des recensements de ses prouesses sexuelles, du genre il s'est tapé 27 putes mexicaines en une nuit, et comme ça lui suffisait pas, il s'est masturbé après. Parce que oui, Mingus est un peu mythomane sur les bords. Il enjolive, il exagère. Il en fait des caisses. Mais on ne va pas lui en vouloir pour ça.

Là où je lui en veut un peu, c'est quand il se perd dans ses histoires de maquereau (plutôt il perd le lecteur). Ça dure à peu près la moitié du livre, et honnêtement c'est pas le plus intéressant. Comment il travaille dans tel bordel, comment il se retrouve à faire « travailler » sa femme de l'époque pour gagner de l'argent (oui, il prostitue sa femme, la classe), comment il rencontre d'autres maquereaux et d'autres prostituées... On s'en fout, en fait. Et c'est dommage, parce que Mingus est quelqu'un de très intéressant et que les premiers chapitres sont formidables. Mieux vaut laisser parler la musique.

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