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Publié le 2 Juin 2017

Bastien est un vieil homme solitaire, gardien d'un collège. Il a une passion pour le bouddhisme, le Tibet, les mandalas, pratique méditation et tai-chi... Rose, sa voisine du dessous, rencontrée à l'occasion d'un goûter avec son fils Paul, lui offrira l'occasion unique d'aller au Tibet voir les temple, accompagnés par Tom, qu'ils rencontreront sur place.

C'est un roman plus court que les précédents de Jean-Marie Blas de Roblès que j'ai lus (L'Île du point Némo, 2014 ; Là où les tigres sont chez eux, 2008). C'est peut-être une des raisons pour lesquelles j'ai moins aimé ce livre : le récit prend moins d'ampleur, a moins le temps de s'installer. Pourtant c'est toujours bien écrit, les personnages sont denses, comportant leur part de mystère, c'est toujours aussi érudit, c'est quand même un bon roman ! Plus intimiste, avec un ton un peu moins exotique (tout le début se passe à Lyon), jouant sur différents niveaux de récit, puisqu'il y a celui qu'écrit Paul, racontant le voyage au Tibet de sa mère Rose et de Bastien, et les réactions de Rose au récit.
Mais, sans que j'arrive à l'expliquer autrement que par le manque d'ampleur, la sauce n'a pas pris autant que pour les autres – mais ils m'avaient tellement soufflé, je ne peux pas exiger ça d'un auteur...

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Publié le 30 Octobre 2015

Vous vous en souvenez peut-être, j'avais lu et adoré il y a un an L'Île du point Némo de Jean-Marie Blas de Roblès. Je crois que ce type est en train de devenir un de mes écrivains préférés.
Là où les tigres sont chez eux est sorti en 2008, déjà chez Zulma. C'est un gros livre (750 pages, presque un kilo, tout de même), dans lequel on retrouve ces récits croisés, enchâssés, qui se répondent, qui m'avaient tant fasciné dans L'ïle du Point Némo.

S'il le fallait, je présenterai les récits de la sorte :
a. Éléazard von Wogau, journaliste français vivant au Brésil, spécialiste ambigu du scientifique, orientaliste, inventeur, jésuite Athanase Kircher. Il rencontre, dans l'hotel d'un ami, Loredana, belle, mystérieuse et attirante italienne.
b. La biographie de Kircher, qu'étudie Eléazard, par un de ses disciples. Il y est décrit comme le plus grand esprit de son temps, brillant, polyglotte, doté d'une mémoire prodigieuse, sollicité par tous les puissants que compte le monde occidental – rois, reines, papes... On y trouve quelques étrangetés, comme ce séjour chez ce châtelain paillard et grotesque, les ouvrages, inventions, pensées du Maître (ainsi que ses erreurs).
c. Élaine, ex-femme d'Éléazard, est une archéologue entreprenant une expédition dans la jungle amazonienne, dans le but de trouver des fossiles qui permettraient d'affiner la datation de l'apparition de la vie. Elle est accompagnée d'un jeune étudiant, Mauro, et de collègues universitaires. Ils sont guidés par le détestable Hermann, vieil allemand venu s'installer au Brésil. C'est le récit qui est le plus proche du roman d'aventure, terrible, passionnant, exotique, dramatique, plein de surprises et de rebondissements.
d. Moéma, la fille d'Eléazard et d'Élaine, est une jeune adulte un peu paumée, pas mal portée sur la drogue, que la rencontre d'un professeur, de pêcheurs et d'un faux indien va (peut-être) aider à se trouver. Résumé comme ça c'est nul, effectivement, mais entre des récits de beuveries, des récits de pèche, d'amour, des notations mythologiques, il y a une profusion de niveaux de lectures dure à résumer – sans poiler évidemment.
e. Neslon est un jeune homme vivant dans une des nombreuses favelas brésiliennes. Handicapé, il n'a pas l'usage de ses jambes, et est contraint à la mendicité. Vivant dans une pauvreté terrible, il est aidé par l'« oncle Zé », chauffeur routier sympathique et plein de sagesse.

f. Le général Moreira est le gouverneur local. C'est un salaud arriviste, qui s'est marié à une duchesse pour profiter de sa richesse.

Bien sûr, tous ces récits se croisent et s'entremellent.

Multipliant les styles, les époques, avec déjà un goût certain pour le pastiche, on croise dans ce roman de nombreuses formes : roman, biographie du XVIIe, extraits de journaux intimes, chansons, mythes... Ce n'est pas la profusion de L'Île du point Némo, mais c'est dans cet ordre d'idées. Je ne résiste d'ailleurs pas au plaisir de citer une très belle liste de Petits métiers chinois :

Chargé des Confins
Chargé des insignes formés de plumes
Inspecteur des goûteurs de médicaments
Commissaire chargé d’exiger la soumission des rebelles
Chef du Bureau chargé de recevoir les rebelles soumis
Grand Maître des remontrances
Officier des traces
Chargé de l’Entrée et du Dedans
Grand secrétaire arrière du Grand Secrétariat Arrière
Chargé d’embellir les traductions
Officier chargé de montrer de d’observer
Observateur des courants d’air
Sous-directeur des multitudes
Préposé aux grenouilles
Condamné du midi
Chargé de coller son œil aux trous de serrures des armoires
Chargé de préserver et d’éclaircir
Chargé de reprendre les oublis de l’empereur
Conducteur d’aveugles
Préposé aux ailes
Ministre de l’hiver
Serreur de mains
Préposé aux bottines de cuir
Régulateur des tons femelles
Participants aux délibérations sur les avantages et les désavantage
Fulminateur
Chargé d’activer les dépêches retardées
Musicien de service profane pendant un tour de service bref
Grand superviseur des poissons
Pêcheur de bogues
Ami

Liste manifestement fictive, mais sans doute à rapprocher de la liste de Borges :

Dans une certaine encyclopédie chinoise intitulée « Marché céleste des connaissances bénévoles », il est écrit que les animaux se divisent en : (a) appartenant à l’Empereur, (b) embaumés, (c) apprivoisés, (d) cochons de lait, (e) sirènes, (f) fabuleux, (g) chiens en liberté, (h) inclus dans la présente classification, (i) qui s’agitent comme des fous, (j) innombrables, (k) dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau, (l) et caetera, (m) qui viennent de casser la cruche, (n) qui de loin semblent des mouches

Tragique, beau comme tout, magnifiquement bien écrit, maîtrisé de bout en bout, c'est un roman-somme, immense et marquant. Et à l'instar de L'ïle du Point Némo, et malgré sa longueur, c'est un livre qu'on aimerait voir continuer encore et encore, tant on y est bien.

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Publié le 20 Octobre 2014

Attention, chef d'œuvre. J'ai gagné ce livre de Jean-Marie Blas de Roblès grâce à un généreux concours organisé par Onlalu, bon site de critiques littéraires. J'y suis entré en toute confiance, sans savoir à quoi m'attendre, et je n'ai pas été déçu.

Ce roman est piégé : sous des dehors de roman d'aventure avec enquête, tueur en série, attaque de train en sybérie, se cache une construction et une rélexion littéraires ébouriffantes.

Autant le dire, c'est un roman compliqué à résumer, il y a plusieurs intrigues qui s’entremêlent, et plusieurs niveaux de lecture. Le récit « principal » : Martial Canterel, riche dandy, Miss Sherrington, Holmes (rien à voir) et son majordome Grimod de La Reynière ainsi que des compagnons de route croisés lors de leur voyage à travers l'Europe, la Russie, la Chine et l'océan Pacifique, partent à la recherche d'un diamant volé à Lady MacRae. Ce récit, plein d'énigmes, de drames, de suspense, mâtiné par moments de science-fiction, est un feuilleton rocambolesque improbable. En parallèle, plusieurs récits se superposent : les frasques de Mr Wang, dirigeant d'entreprise high-tech, la vie d'une ouvrière d'une manufacture de tabac, où l'on retrouve Arnaud qui perpétue la tradition de la lecture à voix haute, comme ça se faisait dans les Caraïbes...

Il y a plein de surprises dans l'intrigue de ce roman que je m'en voudrai de dévoiler. Sa construction en est en tous cas spectaculaire, riche, pleine de crevasses (à la Flaubert) et de pleins formidables. Le style de Jean-Marie Blas de Roblès est très précis, parfois même précieux, parodiant un certain style ampoulé en vogue au XIXe siècle. Il est par exemple excessivement attentif aux vêtements et à leurs matières :

Ajoutez à cela une redingote garnie de ganses par-dessus un gilet en soie piquée, une chemise blanche à col montant avec double nœud papillon couleur truffe du Périgord, un pantalon de casimir, des bottines de castor gris, et vous comprendrez que le personnage qui nous occupe cultivait une apparence de dandy.

... ce qui ne l'empêche pas, de temps en temps (voire plus), de se lancer dans des notations graveuleuses, voire franchement limites (je pense au miroir/anal plug qui permet de lire un message codé tatoué sur les fesses d'une prostituée), mais toujours avec un style précis et élégant. On sent qu'il s'amuse, autant dans le style que dans les péripéties improbables dans lesquelles il lance ses personnages.

Je manque de mots pour dire à quel point ce roman est formidable, parce que trop en parler serait dévoiler les pépites qu'il cache en son sein. Roman total, Riche, inventif, drôle, surprenant, mêlant aventure et profonde réflexion sur l'art littéraire, il s'agit en tous cas de l'un des meilleurs romans que j'ai lus ces dernières années.

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