Publié le 20 Mars 2016

Marieme a 16 ans, deux petites sœurs dont elle s'occupe quand sa mère travaille et un grand-frère très protecteur, voire castrateur et violent. Elle a redoublé sa troisième, on ne lui propose qu'un CAP. C'est une fille réservée dont le quotidien va changer quand elle va intégrer une « bande de filles » : Lady, Adiatou et Fily, auprès desquelles elle devient « Vic ».
Force est de constater que ces filles ont l'énergie et la joie de vive communicative ; difficile de rester insensible à leurs délires ou à leurs fous rires. Elles sont pleines de vie, drôles, parfois dures ou cruelles – parce que la vie n'est pas toujours simple dans cette cité de Bagnolet. Les autres filles peuvent être des rivales ; les garçons sont à la fois source de premiers émois et d'emmerdes. Une scène du début est très frappante et évocatrice : un groupe de fille rentre d'un match de football américain, elles marchent dans un joyeux brouhaha, et tout à coup, en arrivant dans la cité, c'est un silence de mort qui s'installe pendant qu'elles croisent un groupe de garçons qui les sifflent. Et il y a aussi le grand-frère, qui est un problème plus qu'autre chose. Cela n'empêche pas le film d'être baigné dans une forme d'insouciance radieuse et joyeuse.
La dernière partie du film (que je ne peux pas raconter ici) est plus dure, pleine de questions existentielles – parce que la fin de l'adolescence est aussi une période où on se demande ce qu'on veut faire de sa vie. Malgré les galères, il en ressort une force de vie incroyable – le dernier plan est magnifique et magistral.
Céline Sciamma, dont c'est ici le troisième film après Tomboy (que j'avais adoré également), signe ici un film fort, puissant, jubilatoire et plein de finesse, dont on ressort ragaillardi.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #féminisme

Publié le 14 Mars 2016

Shukichi Hirayama et sa femme Tomi, deux retraités, vivent tranquillement à Onomichi avec leur fille cadette Kyoko, institutrice encore célibataire. Ils décident de partir à Tokyo rendre visite à leurs autres enfants, qu'ils n'ont pas vus depuis plusieurs années : Koichi, le fils aîné, est un pédiatre marié à Fumiko avec laquelle il a 2 fils ; Shige, la fille aînée, tient un salon de coiffure ; Noriko, leur belle-fille, mariée à leur fils Shoji mort à la guerre travaille dans une petite entreprise.
Rapidement, les parents sont un poids pour leurs enfants : ces derniers n'ont pas le temps de s'en occuper, parce qu'ils ont des métiers chronophages – et d'autres chats à fouetter. Les deux vieux se retrouvent alors souvent seuls, à regarder par la fenêtre le temps passer en agitant leurs éventails. Les ainés décident d'envoyer leurs parents dans une station balnéaire, histoire de les occuper un moment, mais le séjour n'est pas aussi reposant que prévu. Finalement, la seule qui s'occupe d'eux et qui est heureuse de les voir est leur belle-fille Noriko, restée célibataire après la mort de son mari, qui va libérer du temps pour eux* – alors qu'ils n'ont pas de lien« de sang ».
Mais dans le même temps, les parents sont déçus par le train de vie de leurs enfants. Ils les imaginaient avec une meilleure vie, une plus grande réussite sociale, plus d'ambition ; finalement ils ne sont « que » pédiatre de quartier, coiffeuse... Ils tombent quand même d'accord pour dire que ça pourrait être pire.
Les parents rentrent donc à Onomichi un peu plus tôt que prévu, désœuvrés et légèrement déçus, conscients qu'ils gênent leurs enfants plus qu'autre chose.
Un drame final va confirmer tout le déroulé du film – alors qu'il aurait pu ressouder les liens familiaux distendus.

Ah, la famille... Yasujirō Ozu soulève dans Voyage à Tokyo (1953) plusieurs questions fortes : le regard que l'on porte sur ses enfants, la place qu'on accorde à ses parents, ce qu'on attend de la vie... En toile de fond il met en parallèle deux époques : celle des grands-parents, d'avant-guerre, issue d'un monde qui semble plutôt ancien, voire immuable, et inscrite dans un schéma familial traditionnel ; et celle des enfants, entrés dans la modernité, et dans une modernité aliénante : le travail leur prend beaucoup de temps, sans vraiment les épanouir, ils ont l'air de manquer de place pour autre chose. Ozu reste nuancé : le grand-père n'est pas si déçu par ses enfants, au contraire d'anciens copains qu'il croise un soir de beuverie, par contre Ozu a du mal à sauver les enfants. Le personnage de Noriko, la belle-fille, veuve mais encore jeune, c'est-à-dire célibataire, gentille et serviable, avec un travail pas trop prenant, est sans doute le personnage le plus riche et le plus complexe.
Ozu filme ces différents mondes de façon calme et tranquille, laissant aux scènes le temps de s'installer. Il est manifestement plus proche des grands-parents dans sa façon de prendre le temps. On ne s'ennuie pas pour autant, parce que les relations des personnages sont suffisamment riches, et les plans, presque uniquement des plans fixes, suffisamment beaux pour qu'on ait de quoi se nourrir – big up à Yuharu Atsuta, le directeur de la magnifique photo.

* On sait rapidement que c'est une gentille parce qu'elle sourit tout le temps.

 

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma

Publié le 9 Mars 2016

Un groupe de trappeurs est parti traquer des bêtes pour récupérer des peaux. Parmi eux se trouve Hugh Glass (Leonardo DiCaprio), qui a vécu plusieurs années avec les Pawnees. C'est le guide du groupe : il connaît le terrain, il sait suivre une piste comme un amérindien, bref, il est trop fort. Après une attaque d'Arikas, causant de lourdes pertes au groupe, Glass part en éclaireur repérer un chemin qui leur permettra de survivre, mais pas de bol, il tombe sur une mère grizzli. Il réussi à tuer l'animal, mais est laissé pour mort. Le groupe le rejoint, essaye de le soigner autant que possible. Comme transporter Glass ralentit le groupe, il est laissé derrière avec son fils métis, un autre petit jeune et Fitzgerald, un rustaud bourrin, pendant que les autres vont chercher du secours. Fitzgerald, considérant que Glass est perdu, décide de l'enterrer vivant, tuant le fils au passage, et manipulant le petit jeune (Fitzgerald est le méchant de l'histoire, au cas où vous auriez pas suivi). Sauf que : Glass est pas mort, et il va tout faire pour retrouver Fitzgerald et venger son fils.

Si vous avez aimé, dans Le Loup de Wall Street, quand Leonardo DiCaprio sous drogues assez violentes rampe vers sa Ferrari, allez voir The Revenant : c'est ça pendant 2h30. Je peux résumer mon impression du film en une phrase : il m'a plus impressionné que touché. C'est très bien fait, il y a des plans-séquence plutôt bluffants, de belles images de nature – mais que j'ai déjà vus en plus fort dans n'importe quel Terrence Malik, genre Le Nouveau Monde, qui peut s'en rapprocher, en plus élégant et poétique. Mais on a du mal à quitter le domaine de la performance pour vraiment entrer dans autre chose. Cela vient en bonne partie du scénario, qui ne développe pas du tout les personnages, tous ancrés dans des archétypes et qui n'évoluent pas : Glass est super balèze, Fitzgerald est méchant, Henry (interprété par Domhnall Gleeson, vu récemment dans Ex machina) est juste et droit etc. Une bonne histoire, on le sait, ce sont aussi des personnages forts et attachants qui emmènent le spectateur. Là, le job n'est pas fait. Bref, tout ça sent la performance, le film à Oscars* (bien joué Leo, bien joué Iñárritu). Ces récompenses sont méritées, c'est très bien fait, mais je n'ai pas vibré, je n'ai pas été touché, je ne me suis pas senti concerné. Je me suis même surpris à m'ennuyer vers la fin – parce que quand même plus de 2h30.

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* On pourrait disserter sur les Oscars du meilleur acteur, qui ont tendance à survaloriser les performances au détriment d'un jeu plus subtil, comme celui de Rooney Mara ou Cate Blanchett dans Carol par exemple, mais on ne s'en sortirai plus.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #au cinoche