Publié le 29 Juin 2023

Nous sommes dans les années 1950, à Asteroid City, une ville perdue au milieu d'un désert évoquant les paysages de Bip bip et Coyote, qui tire son nom d'un cratère creusé par une météorite il y a des milliers d'années. Plusieurs personnages s'y retrouvent, parfois par hasard : un photographe récemment veuf (Jason Schwartzman) et ses enfants, une actrice (Scarlett Johansson) et sa fille, une classe et sa maîtresse, des militaires venus remettre les prix d'une compétition scientifique…

Il y a quelque chose de Robert Altman dans ce scénario : un lieu, un principe narratif, des personnages, et on les regarde s'entrecroiser et interagir ensemble. C'est d'ailleurs une des grandes forces de Wes Anderson : dessiner des personnages simples et riches à la fois, et diriger des acteur·ices pour les incarner. C'est ici un festival : outre celleux déjà cité·es, on trouve Steve Carell (qui remplace Bill Murray, malade du Covid), Tom Hanks, Tilda Swinton, Adrian Brody… Et tout le monde semble s'amuser.
Pour autant, ce n'est sans doute pas le meilleur Wes Anderson. J'aime beaucoup le début et toute la première partie, il me semble que malgré quelques bonnes idées, le film patine un peu vers la fin.

Restent quand même des images parfaites et magnifiques (évidemment, même si c'est toujours surprenant et impressionnant), des personnages incarnés, ainsi qu'un amour (et un talent) pour raconter des histoires. Je n'ai pas précisé un élément important : tout le film est construit sur des mises en abyme. Le film débute en noir et blanc par un narrateur (Bryan Cranston) sur un plateau de télévision, qui explique au spectateur qu'il va raconter l'histoire d'une pièce de théâtre. On voit alors l'auteur de la pièce (Edward Norton) devant sa machine à écrire, et plusieurs scènes sur le plateau viennent ponctuer le film. Le reste d'Asteroid City, en couleur, est cette pièce de théâtre, transposée dans le langage cinématographique.
Je ne sais pas si Wes Anderson fait vraiment quelque chose de vertigineux avec cet effet, mais il a le mérite d'être très efficace pour raconter une histoire. Le monologue d'introduction de Bryan Cranston m'a tout de suite happé, j'ai directement eu envie de savoir la suite : il y a là un talent pour le storytelling qui m'impressionne.

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Publié le 26 Juin 2023

J'ai offert ce livre, et j'ai commencé à le lire, puis je l'ai perdu dans le train… Comme l'éditeur est outre-Atlantique, il semble qu'il soit très compliqué de le racheter. Voici dans tous les cas les notes que j'avais prises au moment de la lecture.
J'aurais bien aimé le finir, parce que ma lecture de Comme si de rien n'était m'a carrément fait nuancer ce livre – même si Kristen Ghodsee parle surtout de l'Allemagne de l'Est, et que le roman d'Alina Nelega se passe dans la Roumanie de Ceausescu – et que ses personnages considèrent la RDA comme un eldorado qu'iels rêvent d'atteindre.

Introduction.
Les politiques d'émancipation des femmes menées par les états soviétiques leur ont permis notamment d'accéder aux études : de nombreuses femmes sont chercheuses, cosmonautes… En 1963, face à Valentina Terechkova, qui a passé plus de temps dans l'espace que tous les astronautes américains, les USA se disent qu'ils devraient se pencher sur la question : la rivalité entre les blocs a permis au bloc capitaliste d'avancer sur les questions sociales (droits des femmes, protection des travailleurs…)
P. 38 : L'émancipation des femmes faisait partie intégrante de l'idéologie de presque tous les régimes socialistes. La révolutionnaire franco-russe Inès Armand a ainsi eu cette phrase célèbre : « si la libération des femmes est impensable sans le communisme, le communisme est quant à lui impensable sans la libération des femmes ». Des politiques sont mises en place pour l'accès aux études, au travail, prise en charge des enfants, garderies et laveries collectives… Mais pour autant, il n'existait aucune politique contre le harcèlement ou le viol, ni en faveur des homosexuels, et les politiques étaient fortement natalistes...

Dans aucun de ces pays les droits des femmes ne s'inscrivent dans le cadre d'une promotion de l'individualisme ou de l'épanouissement des femmes. Si l'État soutenait les femmes, c'était en tant que travailleuses et mères, afin qu'elles participent plus pleinement à la vie de la nation. (p. 40)

À la chute du Mur, les hommes reprennent leur rôle de patriarche, et les femmes sont redevenues des marchandises. Les défauts du capitalisme font que nombreux·ses considèrent avoir mieux vécu sous le socialisme. Les USA ont eu les coudées libres pour se lancer dans la dérégulation ; dans les pays de l'Est les accusations de communisme bloquent tout progrès social. Sans être parfaits, les pays du Nord de l'Europe sont un exemple de social-démocratie efficace.

1. Travail : les femmes sont comme les hommes, mais elles coûtent moins cher

« Bref, le Capitalisme agit sur les femmes comme une tentation constante pour leur faire accepter des rapports sexuels contre de l'argent, que ce soit dans le mariage ou hors du mariage ». George Bernard Shaw, 1928 (P. 65)

Le travail domestique des femmes reste invisible.

Depuis les débuts du capitalisme, l'avantage comparatif d'une femme sur le marché de l'emploi consiste en ce qu'elle fait le même travail qu'un homme pour moins d'argent. (p. 66)

G. B. Shaw : « Dans le système capitaliste, les femmes se trouvaient plus mal payées que les hommes parce que le Capitalisme faisait de l'homme un esclave, et ensuite, il payait la femme par son intermédiaire, de sorte qu'il faisait de celle-ci l'esclave de l'homme. Elle devenait l'esclave d'un esclave, ce qui est la pire sorte d'esclavage ». (p. 68)

Pendant ce temps, dans les pays socialistes, l'emploi et la formation des femmes était privilégiées et encouragées, ce qui n'empêchait pas les inégalités salariales ou la charge de travail domestique. Les social-démocraties ont de nombreux emplois publics, qui favorisent en général l'emploi féminin (et des personnes discriminées en général).

2. Maternité : attendre un enfant et s'attendre à être exploitée
Dans le système capitaliste, les femmes sont pénalisées par la maternité.
En système socialiste, deux options s'offrent : une allocation (congé maternité) et une promesse de retrouver leur travail ; et/ou une prise en charge par l'État par le biais de garderies etc. L'Union Soviétique était très ambitieuse sur ce plan, mais la première guerre mondiale et la famine qui a suivi ont mis ces préoccupations de côté. Les Scandinaves mettent en place des congés maternité dès 1901. Plus tard la collectivisation de laveries et de cuisines permet aux femmes de soulager leur charge (les hommes ne sont pas très prêts à participer, malgré les incitations).
Les États Unis sont en retard sur tous ces points.
Cependant, certains pays socialistes (Roumanie, Albanie) avaient une politique nataliste qui « nationalisait » le corps des femmes.

3. Leadership : s'habiller en Prada ne suffit pas
Le « plafond de verre » empêche les femmes d'accéder à des positions de pouvoir, dans les entreprises comme en politique. Les quotas sont un moyen de résoudre en partie ce problème, même si les inégalités subsistent.
Les pays socialistes ont assez tôt réussi à mettre en avant des femmes, sans abolir la domination masculine.

4. Sexe : le capitalisme au lit

(Enfin le fond du sujet, et je n'ai pas pu aller plus loin)

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Publié le 25 Juin 2023

Sibyl (Virgine Efira) décide de mettre en pause son activité de psy pour se consacrer à l'écriture. Quand Margot (Adèle Exarchopoulos) l'appelle pour lui demander de l'aide, elle n'arrive pas à lui dire non. La jeune Margot est tombée amoureuse d'Igor (Gaspard Ulliel), avec qui elle partage l'affiche d'un film en cours de tournage. Et patatras : elle est tombée enceinte, et ne sait pas quoi faire de ce potentiel bébé.
Sibyl se retrouve mêlée aux histoires foutraques et borderline de Margot, et comme elle se sert de ce matériel pour son livre, ne sait pas mettre la bonne distance.

Autant Victoria, de la même réalisatrice, pouvoir être associé au genre de la comédie, autant là, même si on ne sort pas les violons toutes les cinq minutes, il s'agit clairement d'un drame.
On est montés d'un cran entre les deux films : le film est brillamment construit, un peu en mode puzzle, alternant entre présent et flash backs, jouant avec le son (une voix d'une séquence sur des images d'une autre) : le film se rapproche plus d'une Palme d'or que Victoria. Les acteurices sont très bien, les personnages réussis. Il y a quelques petits défauts quand même (c'est compliqué avec les enfants).
Pourtant, même si le film est très réussi, j'ai eu l'impression qu'il manquait quelques pièces à ce puzzle pour que je sois vraiment impliqué émotionnellement, et que j'en ressorte chamboulé ; je ne saurais pour autant pas dire ce qui manque.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #France

Publié le 19 Juin 2023

Dans le futur, le Mal Absolu est en train de se former, avec pour mission d'anéantir toute vie sur Terre. Des créatures ont laissé un moyen de le combattre à l'aide des quatre éléments, plus un mystérieux cinquième. Sauf que leur vaisseau s'écroule : où sont les pierres magiques permettant de sauver le monde ? Où donc est le 5e élément ? Korben Dallas (Bruce Willis), accompagné de la mystérieuse Leeloo (Milla Jovovitch) se met en route.

J'ai vu ce film un petit paquet de fois, mais ça faisait très longtemps. Il a bien vieilli : il y a finalement assez peu d'images de synthèses, qui tiennent plutôt le coup, Besson utilise beaucoup de marionnettes et autres masques qui passent toujours bien à l'écran. L'univers visuel est toujours cool.
Le scénario est très manichéen et souvent prévisible : le petit M., presque 9 ans, a compris une bonne partie des ficelles avant les personnages du film (ce qui me fait me dire que c'est plus un film pour enfants que ce que je pensais). Reste quelques astuces de montage que je trouve toujours bien vues (des éléments qui se répondent d'une scène à l'autre), de l'humour qui fait encore mouche, quelques personnages hauts en couleur (celui de Chris Tucker), et un bon divertissement.

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Publié le 12 Juin 2023

Ce roman raconte l'amour lesbien, les vies et les déchirements de Cristina et de Nana sur la décennie 1980 dans la Roumanie dominée par la joug de Ceausescu. Cristina et Nana sont au lycée ensemble, la première vient d'une famille pauvre, la seconde habite les beaux quartiers. Après le lycée, Nana fait une école de théâtre, pendant que Cristina devient enseignante en Hongrie, elle est pauvre, seule, essaye d'écrire. Elle se marie avec le frère de Nana, elle a un fils mais ne semble pas apprécier d'être mère.

C'est un roman tragique qui en toile de fond décrit l'enfer que représentait la vie en Roumanie communiste : pénuries de nourriture, faim perpétuelle, alcoolisme, surveillance de tout le monde par tout le monde, enfer administratif… À tout cela se double la condition féminine, le sexisme ambiant et les violences sexuelles subies par les protagonistes, allant jusqu'au(x) viol(s). C'est un roman qui semble en partie autobiographique ; il est possible que ce soit un roman à clés que seuls les Roumains peuvent saisir.
Alina Nelega fait de longues phrases, souvent en discours indirect, c'est très bien écrit mais l'écriture est très présente, c'est un peu déstabilisant au début (ça ne peut pas être qu'une question de traduction). Même s'il est intéressant et réussi, le principal défaut de ce roman est sa longueur, j'avoue que j'ai trouvé qu'il n'en finissait pas, et que j'ai vraiment lutté pour arriver au bout. Je ne sais d'ailleurs pas si c'est vraiment un défaut du livre, ou si c'est juste mon regard subjectif.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #littérature

Publié le 12 Juin 2023

Victoria (Virginie Efira) est une avocate, mère célibataire, paumée dans sa vie et débordée par son travail, hantée par le père de ses filles qui a décidé d'écrire sur son blog tout ce qu'il sait d'elle. Un de ses amis (Melvil Poupaud) lui demande de la défendre : sa compagne l'accuse de l'avoir poignardée lors d'un mariage. Elle accepte à contre-cœur ce dossier qui mélange vie privée et professionnelle. Dans le même temps, Victoria accepte d’héberger Sam (Vincent Lacoste), qui en échange s'occupe de ses filles et l'assiste dans son travail.

C'est un portrait de femme réussi et touchant, malgré quelques maladresses : les personnages sont un peu manichéens ou manquent de profondeur, en particulier l'ami joué par Melvil Poupaud ; la fin est un peu téléphonée et artificielle… Le film est parfois amusant, parfois dramatique mais toujours avec une forme de légèreté. C'est peut-être dommage que Justine Triet n'ose pas se confronter au drame qu'elle raconte, comme si elle gardait une distance qui empêche d'être ému. Pour autant, et malgré ses défauts, j'ai aimé ce film, porté par une Virginie Efira très bien.

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Publié le 5 Juin 2023

Mais qui est ce mystérieux tueur du Zodiaque, comme il se surnomme lui-même, qui terrifie la Californie de la fin des années 1960 ? Il écrit des lettres à la presse, diffuse des messages codés, se vante beaucoup, tourne la police en dérision…
Le film se penche sur l'enquête de policiers et de journalistes du San Francisco Chronicle.

C'est un film merveilleusement construit, raconté et filmé. Il est sans doute trop long – mais en même temps j'ai regardé la version director's cut, j'imagine que la version sortie en salle est plus resserrée, et peut-être mieux tenue en matière de rythme (ah je viens de voir que les versions ne diffèrent que de cinq minutes, ça ne peut pas être la seule explication). La narration, chronologique, est dépouillée, presque sèche ; il y a peu d'effets (quelques plans iconiques, dont le fameux taxi qu'on suit vu de haut), mais c'est réalisé avec une précision et une élégance épatante.
Le film est porté par de très bons acteurs, en particulier Jake Gyllenhaal et Mark Ruffalo ; le moins qu'on puisse dire c'est qu'il manque de femmes (il n'y en a qu'une, un rôle très secondaire).

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