Grâce à Dieu est un film sur la (très réelle) affaire Preynat, un prêtre qui a commis des attouchements sur de jeunes garçons des années 1970 au années 1990. On y suit en premier lieu le parcours d'Alexandre (Melvil Poupaud), un catholique qui engage une procédure auprès de l'église lyonnaise pour faire reconnaître ce qu'il a subi et que Preynat subisse des sanctions. Ses démarches n'aboutissent à rien, Preynat continuant à officier, et continuant à se retrouver au contact d'enfants. Même si les faits sont prescrits, il décide de porter plainte.
Le capitaine Courteau, qui a pris sa plainte, remonte à François (Denis Ménochet), une autre victime non prescrite, qui accepte de témoigner et cherche à médiatiser l'affaire. Avec d'autres victimes, il crée l'association La Parole libérée, qui permet à plusieurs victimes de se regrouper. Parmi elles, Emmanuel (Swann Arlaud), un jeune homme en souffrance, gardant de nombreuses séquelles des attouchements. Ensemble, il entament une action judiciaire, au cours de laquelle Preynat, qui n'a jamais nié les faits, est mis en examen.
Et c'est un film très beau et très fort. Il montre assez clairement la politique de l'autruche que pratique l'Église, et notamment le cardinal Barbarin, vis-à-vis de la pédophilie ; l'hypocrisie de cette institution, pour qui le pardon est essentiel et qui fait comme si on pouvait résoudre les problèmes en priant ensemble. Il aborde assez subtilement la question du traumatisme, du temps qu'il faut pour arriver à « libérer la parole » ; la réaction des proches, des familles, qui soutiennent ou nient, qui culpabilisent ou refusent de « remuer la merde ».
Ce film choral est habilement construit autour de trois personnages, qui incarnent trois temps de l'action. La première partie, consacrée à Alexandre, est structurée par des lettres lues en voix off, ce qui accentue l'impuissance, la distance et l'isolement du personnage. À partir du moment où François entre en scène, la voix disparaît petit à petit, l'histoire avance par les dialogues et prend du nerf.
Bref, c'est super, bien sûr les acteurs sont tous impressionnants, les dialogues bien écrits, les cadres précis. C'est un film formidable et nécessaire.