Publié le 25 Juin 2016

John Hunt, dresseur et éleveur de chevaux, possède un ranch dans l'Ouest américain qu'il tient avec Gus, un oncle vieillissant. Il est veuf, plutôt solitaire et Noir, ce qui n'est pas toujours simple dans ces contrées plutôt remplies de rednecks, mais qui ne l'empêche pas de vivre sa vie. Les choses commencent à prendre une drôle de tournure quand un jeune homosexuel est retrouvé battu à mort dans le désert voisin. D'autant plus que c'est Wallace, son ouvrier agricole, un type pas méchant mais qui n'a pas inventé l'eau chaude, qui est accusé.
Un rassemblement est prévu en hommage à ce jeune homme assassiné, ce qui attire du monde dans les parages. Parmi eux le jeune couple formé par Robert et David, le fils d'un ancien ami de John Hunt, qui passeront quelques jours dans le ranch.
Mais il ne faut pas oublier que pendant ce temps, Daniel Bison Blanc, rancher indien, s'est fait descendre deux vaches, et qu'auprès de la deuxième on trouve l'inscription « nègre rouge » écrit avec le sang de la bête dans la neige...

C'est une remarque qui revient à presque tout le temps que je parle de littérature américaine, mais ça me marque à chaque fois : en prenant le prisme d'un destin singulier, du parcours de quelques personnages, la façon dont les auteurs américains que j'ai lus embrassent l'Humanité entière est étonnante. Percival Everett, dont j'avais lu et aimé Effacement, signe ici un roman magnifique, d'une richesse, d'une sensibilité et d'une force bouleversantes, parlant, excusez du peu, du racisme, d'homophobie, d'amour, de haine, de la relation qu'on entretient avec ses parents, de mœurs et de morale, de vie et de mort... John Hunt, le personnage principal et narrateur, poursuivi par le remors de maladresses passés, habité par des questions existentielles, cherche à vivre une vie tranquille, sans vraiment savoir ce que serait cette tranquilité.
Everett écrit de façon plutôt simple, descriptive, sans lyrisme particulier, mais il parvient à incarner des personnages toujours plus complexes qu'ils en ont l'air.
J'avais bien aimé la façon qu'avait eue Everett de travailler le fragment dans Effacement (notations littéraires, digressions techniques, coqs à l'âne). On retrouve ça à quelques moments dans Blessé, notamment quelques rêves ou flash-backs impromptus, mais dans l'ensemble c'est un romant assez linéaire. Je confesse en avoir ressenti une légère déception au début, mais j'ai très vite été emporté par la force de ce roman, et c'est tout chamboulé et terriblement ému que je l'ai fermé hier, dans un bus qui me ramenait de Paris, endroit pourtant peu propice à l'épanchement des émotions.

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Publié le 21 Juin 2016

En rentrant d'une session surf particulièrement matinale et fraiche, la camionnette qui transportait Simon Limbres et ses deux amis a eu un accident grave. Simon est en état de mort cérébrale ; il s'agit de savoir si ses organes peuvent servir pour une greffe, l'hôpital est sur le sentier de guerre. Mais il s'agit aussi pour les parents de Simon d'arriver à encaisser ce choc.

Le titre de ce très beau roman est tiré du Platonov de Tchékhov : « Enterrer les morts, réparer les vivants. » Et c'est bien de « réparer les vivants » dont il est question, à deux titres : réparer ceux confrontés à la mort et au deuil, ie les parents de Simon ; et réparer par la greffe les vivants abimés.
L'écriture de Maylis de Kerangal arrive à installer une tension et une émotion fortes par des phrases longues, qui semblent écrites en apnée, et qu'on lit de la même façon, haletant.
Les personnages sont riches, humains et touchants. Quelques détails intelligemment choisis permettent de cerner un caractère, parfois c'est un chapitre entier qui est consacré à un épisode particulier, comme la recherche d'un chardonneret par Thomas, coordonnateur de greffe. Ce qui fait que même les personnages secondaires sont incarnés, d'une façon simple, subtile et efficace, et donne au roman richesse et profondeur.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #littérature

Publié le 18 Juin 2016

Nous sommes dans un monde uchronique et teinté de steampunk. C'est dur de savoir à quelle époque se situe le film, Wikipedia dit 1939, soit le début de la Seconde guerre mondiale, ce qui a du sens, même si une partie de l'esthétique se rattache plutôt à la science-fiction des années 50.
Polly Perkins (délicieuse Gwyneth Paltrow), journaliste au Chronicle, est sur la piste de la disparition de plusieurs scientifiques ayant tous participé à un projet secret pendant la Première guerre mondiale. Sauf qu'une armée de robots géants venus d'on ne sait où attaque la ville pour voler des générateurs (ce qui à la réflexion semble beaucoup de moyens pour pas grand-chose). Heureusement, Sky Captain (Jude Law) est là, dans son super avion, qui va essayer de leur barrer la route.
Sky Captain et Polly Perkins partent à la recherche d'un certain docteur Totenkopf qui semble être derrière tout ça et préparer un plan machiavélique.

Sky Captain and the world of tomorrow mise beaucoup sur l’esthétique : composition de plans très soignée, lumière étudiée, camaïeux  pas très subtils mais efficace... Je le disais dans le résumé, beaucoup du film emprunte à l'imagerie des années 50 : plans empruntés des films noirs, les robots et armes viennent tout droit de la SF et des pulps de ces années-là : les robots géants font penser au Géant de Fer de Brad Bird, les pistolets rappellent celles des martiens de Mars Attacks ! (deux films partageant le même goût pour les années 50), je retrouve des réminiscences de La Planète interdite... Même si parfois je trouve ça un peu too much, il faut bien reconnaître que c'est cohérent, fort, efficace, et plutôt personnel – Kerry Conran, le réalisateur, n'a manifestement fait que ce film, difficile d'avoir une vision plus globale de son esthétique. Et il faut noter que les effets spéciaux numérique (dont le film est bourré jusqu'à la moelle) tiennent plutôt bien coup pour un film qui a 12 ans.
Par contre, c'est dommage que le scénario, même si plutôt bien mené, soit aussi prévisible, que les personnages ne soient jamais bien loin du cliché, et que les dialogues sonnent aussi plat... (mais ça ne gâche pas totalement le plaisir du vionnage).

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Publié le 13 Juin 2016

Roger Thornhill (Cary Grant) est un Mad Men débordé, très proche de sa maman au point qu'on pourrait presque le croire homosexuel, mais non, il a deux ex-femmes – et succombera plus tard aux charmes d'une femme fatale. Un quiproquo fait croire à des méchants Russes qu'il est George Kaplan, un faux agent US inventé par le FBI pour détourner les Russes de leur véritable agent double. Il est enlevé, interrogé sans succès (et pour cause), forcé à boire une bouteille de bourbon et placé ivre mort dans une voiture sur une route de corniche, destinée à sombrer dans l'océan en contrebas, sauf qu'il s'en sort, mais finit quand même au poste. Alors qu'il essaye de s'innocenter et d'accuser le vrai coupable, on le prend pour l'assassin d'un membre de l'ONU qui meurt entre ses bras.
À la recherche du « vrai » George Kaplan, il s'enfuit en train vers Chicago, où il rencontre Eve Kendall (Eva Marie Saint), qui l'aide à se cacher en apaisant ses pulsions sexuelles dévorantes (et pas qu'un peu).

La Mort aux trousses utilise l'artifice efficace du personnage pris pour un autre/qui se fait passer pour un autre – ce qui me fait penser, dans un registre trèèès différent, à To Be or not to be de Lubitsch. C'est (évidemment) bien écrit, bien mené, malgré quelques incohérences pas bien graves ici ou là. Je suis plus gêné par l'incohérence de l'âge de certains acteurs pour leur rôle : Cary Grant au moment du tournage a 55 ans, l'actrice qui joue sa mère en a 58 : autant dire qu'ils ont le même âge, et ça se voit ! Eva Marie Saint en a 30, son personnage prétend en avoir 26, mais on peut sans doute mettre ça sur le compte de la coquetterie ; les 25 ans de différence entre les deux personnages est (malheureusement) assez habituel à cette époque.
Puisque je suis dans les critiques, ce film contient une des pires scènes de course poursuite en voiture que j'aie vue, celle où Cary Grant, ivre mort, conduit n'importe comment la voiture qui devait finir dans le ravin alors qu'il est poursuivi par les méchants. Hitchcock enchaîne maladroitement des prises en studio de Cary Grant qui cabotine un peu au volant d'une voiture arrêtée, et des vues de voitures qui roulent dangereusement, ça ne marche pas du tout, on voit trop l'artifice, c'est mal rythmé, et toute la tension de cette scène tombe complètement à plat. C'est d'autant plus étonnant que tout le reste est bien filmé, monté, rythmé, notamment la fameuse scène où un avion fonce sur le pauvre Cary Grant, cinématographiquement très impressionnante.

Je ne sais pas pourquoi ni à cause de quel film (Rebecca ?), j'avais gardé  le souvenir qu'Hitchcock n'était pas un grand cadreur. Je suis ici mis à tort : c'est beau et il y a des plans assez incroyables, dans le siège de l'ONU par exemple ou justement pendant ce combat de l'homme contre l'avion.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma