Publié le 31 Août 2019

Jerry (Gene Kelly) est un peintre américain installé à Paris. Sans le sou, il rencontre Milo (Nina Foch), riche héritière qui s'entiche de l'œuvre et du bonhomme et cherche à l'aider, en achetant des toiles et en le recommandant auprès de galeristes. Sauf que Gerry tombe amoureux de Lise (Leslie Caron), une jeune femme déjà fiancée.

C'est une trame très classique, construite autour de triangles amoureux, un vaudeville pas particulièrement bien mené. Il faut noter le sexisme terrible du film et de son personnage principal, beaucoup plus âgé que son amie, qui insisté lourdement, se fait éconduire et continue à insister jusqu'à ce qu'elle cède (culture du viol bonjour). C'est d'autant plus dommage que Milo est un personnage intéressant, fort et indépendant, mais que comme elle a le même âge que Jerry, rien ne pourra se passer entre eux, évidemment. J'ai d'ailleurs l'impression de retrouver le schéma de La Mort aux trousses, avec un personnage féminin secondaire plus intéressant que le principal. Milo a de l'argent de l'initiative, elle déstabilise Jerry dans sa masculinité (plusieurs « blagues » sur le sujet dans le film), qui préfèrera se vouer à l'innocente et inoffensive Lise.
Évidemment, ce film vaut pour les numéros dansés/chantés (pas toujours très bien insérés dans le récit d'ailleurs), et pour le charme de Gene Kelly. La séquence presque final, un ballet de 18 minutes sur la suite orchestrale éponyme de Gershwin, est à ce titre spectaculaire, présentant une suite de tableaux (littéralement : Dufy, Toulouse-Lautrec, Manet...) de Paris avec une chorégraphie magistrale, des décors assez beaux et une mise en scène inventive. Minelli montre d'ailleurs son talent et son humour à plusieurs moments du film, notamment dans la présentation de Lise, en plusieurs tableaux qui se complètent.

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Publié le 28 Août 2019

C'est l'histoire d'un été dans le nord de l'Italie en 1983, dans une famille plutôt aisée, cultivée, ouverte et aimante. La maison sert de lieu de résidence pour des doctorants venant travailler avec le père archéologue. Cette année c'est Oliver qui se joint à la famille, un bel américain d'une vingtaine d'années. Il va se lier avec Elio, le fils de 17 ans, qui passe jusque là un été assez oisif, à lire, jouer du piano et se baigner avec ses potes.

On le sait, ce film est une romance, centrée sur Elio, les affres de l'adolescence, la passion dévorante… C'est beau, c'est touchant et sensible, la lumière est évidemment très belle (ça se passe en Italie, duh).

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Publié le 28 Août 2019

Dans ce récit, Alexandre Seurat parle du suicide de son frère : pourquoi, comment, qu'a-t-il bien pu se passer, aurait-il pu faire quelque chose ? Le livre oscille entre souvenirs, remords, description d'une famille dysfonctionnelle à force d'être dans le silence et de ne pas dire les choses.
On s'en doute, c'est un livre pas évident, terrible et tragique, un peu déprimant. Pour être très sincère, je comprends pourquoi Seurat l'a écrit, le côté thérapeutique de l'écriture et tout, mais je ne suis pas sûr de savoir ce que ça m'a apporté de le lire… Après c'est élégamment écrit et ça ne m^'empêchera peut-être pas d'aller voir ce qu'il a écrit par ailleurs – du moment que c'est un peu moins déprimant.

* * *

(Je fais un long résumé du livre, mais c'est pour le travail)
(je vais évidemment complètement spoiler le livre)

Livre premier
1
La mort du frère. Il va visiter son ancien appart avec son amie, les affaires comme si c'était hier. Problème d'alcool, mais toujours « ça va ». Ses carnets, une lettre qu'il a écrite 2 ans et demi avant sa mort (p. 26)
2. p. 33
L'adolescence de ce de frère. Les vacances, sa copine, l'amour fou, lui toujours parti avec des copains, les parents qui ne savent pas où il est ; il n'écoute pas, à l'air d'un étranger à la famille, il nargue et provoque. Une famille pleine de silences, pas de dialogue. La rupture avec la petite amie, les apparences, « ça va », mais les pensées suicidaires, le vin bon marché.
L'abandon des études, une vie nocturne, parents et frère désemparés, le silence. Le frère part vivre dans le studio des parents, couper les ponts.
3. p. 49
Les déjeuners chez le frère, absent, tout les sépare de milliers de kilomètres. La mère, les rendez-vous chez un psy, pas de progrès, l'impuissance. Besoin d'argent pour sa consommation, il va chez le psy en échange d'argent de poche. Échecs thérapeutiques.
Envie d'être comique. La mère « il veut être comique, alors qu'il est en plein tragique » (p. 57).
Les menaces, la violence pour avoir de l'argent.
Un rendez-vous à l'hôpital, le père qui signe l'internement, sans rien dire, sans en parler, toujours dans ce silence. La peur, l'angoisse, la colère, la résignation aussi, violente (p 59).
L'école de théâtre, les projets, l'alcool, la drogue. Le silence, toujours. L'overdose.
Une nouvelle bagarre, violente, avec les parents pour de l'argent. Une nouvelle hospitalisation. La peur, encore et toujours le silence.
4. p. 75
« Il y a un moment où j'ai perdu mon frère. Il était là, un peu, et tout à coup, il a cessé d'y être, il avait disparu. Je ne sais pas ce que j'en ai fait, je ne m'en suis rendu compte qu'après coup. » (p. 75)
(on dirait un peu du WIlliam Sheller)
Le frère qui sait déjà qu'il va se suicider. Son « sourire vague et noyé, qui était désormais le seul que je lui connaîtrait » (p. 77).
Il peint, de plus en plus. Il a une nouvelle amie, il boit, se drogue, rien ne change. Le mariage d'une tante, l'agressivité, la fréquentation des clochards.

Livre deuxième
1. p. 101
Le vernissage d'une expo de toiles du frère, presque 2 mois après sa mort. La foule. Les gens, on atout essayé. Le narrateur qui ne parle plus à ses parents, il récupère les carnets de son frère. Ils sont pleins de désespoir, de tristesse. La mort y est très présente.
Un frère ainé trisomique, mort de laryngite quelques mois après la naissance du narrateur. Le petit frère s'identifie, il remplace le mort.
2. p. 123
Le père, immuable et sans regret.
3. p. 129
Le frère enfant, joueur, rieur, espiègle, énergique, adorable. Violent, hyperactif, troubles de l'attention, boulimie.
4. p. 151
Mort, overdose de méthadone.

Épilogue p. 165

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #littérature, #France

Publié le 20 Août 2019

Nous sommes en 1999, au moment du nouvel an. Un triangle amoureux créé des tensions entre Jinsheng, riche entrepreneur, parvenu un peu kéké, Liangzi, ouvrier dans une mine de charbon, et Tao, qui est sommée (littéralement) de choisir entre ses deux prétendants. Finalement, Jinsheng et Tao se marient et ont un fils, Daole, un nom qui sonne un peu comme « Dollar » en anglais (ce qui donne une bonne idée du niveau du mec). Liangzi, jaloux, quitte la région pour s’installer ailleurs.
2014. Liangzi a trouvé du travail dans une mine d’une autre province ; il a un cancer respiratoire et décide de rentrer avec femme et enfant pour retrouver famille et amis, et éventuellement trouver de l’aide financière pour se faire soigner. Tao, divorcée, gère une station-service prospère. Jinsheng est parti avec Daole, dont il a la garde, à Shangai faire fortune. À la mort de son père, Tao fait venir Daole (il a 7 ans) et essaye de renouer contact avec ce fils qu’elle ne connaît plus.
2025. Daole et son père habitent en Australie. Jinsheng est devenu un pauvre type, incapable de parler anglais, plus ou moins recherché par la police de Shangai. Daole, qui n’a pas revu sa mère depuis ses sept ans et a oublié comment parler sa langue natale, est titillé par l’idée de la revoir ; il sort avec sa prof de chinois (mandarin ou cantonais ? j’ai oublié) (complexe d’Œdipe bonjour).

Au-delà des montagnes dresse librement le portrait de trois personnages. Beaucoup de choses sont dans le non-dit : par exemple, le fait qu’on ne revoie plus du tout Liangzi, ni même qu’il soit évoqué, est explicite. Jia Zhangke construit tout son film comme ça, tout en nuance et subtilité. La mort du père de Tao est une scène absolument magnifique dans sa poésie et sa délicatesse.
C’est un film qui ne passe pas le test de Bechdel-Wallace, et c’est assez gênant de voir ces hommes, en 1999, qui passent leur temps à dire à Tao ce qu’elle doit faire, mais c’est critiqué dans le film, et au final c’est un personnage vraiment intéressant et indépendant.
Je me souviens d’apparitions fantomatiques dans A Touch of sin (un immense serpent sur une route la nuit), il y a ici un crash d’avion qui n’a aucun rapport à l’histoire, dont on ne reparle pas (c’est une métaphore, évidemment). Mais je trouve ça intéressant cette façon de créer une image forte en dehors du récit.
La scène d’ouverture, une chorégraphie sur de la dance, est magnifique, la scène de fin sous la neige est également magnifique. Les cadrages, les lumières, la mise en scène, tout est superbe et intelligent, ce qui confirme le statut d’immense cinéaste de Jia Zhangke.

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Publié le 19 Août 2019

Kris, un psychologue, se rend sur une station spatiale orbitant autour de Solaris, une planète-océan. Il a la surprise de voir que personne ne l'attend à son arrivée, voire même que les deux autres occupants de la station ne sont pas ravis-ravis de le voir (c’est le moins qu’on puisse dire). Il n'est pas au bout de ses surprises, puisque l'océan semble vivant, et a l'air d'avoir envie de jouer avec eux.

Depuis le temps que j'entends parler de Tarkovski, enfin, je me suis lancé dans l'aventure un peu intimidante de regarder un de ses films.
Solaris est donc un film de SF, on pense souvent au 2001 de Kubrick : même huis clos, même approche de thriller psychologique, même lenteur aussi (oui oui), même s'il y a évidemment des différences.
Le premier truc qui m'a sauté aux yeux, c'est le décor de la station : sale, foutraque, bordélique et décati, il reflète l'état intérieur des personnages ; j'ai pensé à Alien dont on dit, manifestement faussement, que c'est le premier film à montrer un vaisseau déglingué.
Spoilons un peu : l'océan matérialise de façon mystérieuse des humains auxquels pensent les cosmonautes. Dans le cas de Kris, il s'agit de Khari, sa femme morte quelques années plus tôt, dont il retombe amoureux. À ce moment, le film semble tomber dans une romance un peu malsaine, et traine un petit peu à mon goût, mais il soulève quand même quelques questions intéressantes (même si elles pourraient avoir plus de force par moments) : Khari est à la fois la femme de Kris, et en même temps elle sait qu'elle ne l'est pas puisqu'elle sait que Khari est morte, est-elle humaine ? On pense à Blade Runner, qui explore ces questions plus en profondeur.
Solaris est surtout un film avec des images puissantes et magnifiques, à la fin mystérieuse et forte qui fait un peu penser à celle de 2001 (en moins psyché quand même).

Quand même, je relève que Tarkovski n'a pas l'air très intéressé par l'aspect « science-fiction » du récit : on ne sait pas où est Solaris, on ne sait pas comment Kris se rend sur cette planète, on sait que Khari est constituée de « neutrinos » excités par le champ magnétique de la planète, mais ça soulève plus de questions que ça n'en résout… J'imagine que de nombreux points sont développés dans le roman éponyme qui a donné le film.
(Au passage, le résumé de Wikipedia est plus complet que le film).

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Publié le 18 Août 2019

Je n'ai pas vu Yves, un film de Benoît Forgeard, avec un pitch génial : « c’est l’histoire d’un mec qui se fait livrer un frigo super-intelligent, lequel va prendre une énorme place dans sa vie au point de tout gérer pour lui et de devenir son meilleur copain » (piqué ici).
Je me suis rendu compte que mon frère m'avait offert il y a quelques années un livre de lui, un recueil de chroniques parues dans SoFilm, où il critique des films sortis en 2027 (ce n'est pas une faute de frappe). C'est particulièrement drôle, Benoît Forgeard a manifestement un génie de la miniature. Le plus simple est de donner quelques exemples, glanés plus ou moins au hasard :

Elephantocracy
Déferlant par milliers dans les rues, les éléphants se soulèvent contre la société de consommation. Hélas, incapables de résoudre leurs dissensions, les pachydermes, un temps maîtres du monde, sont renversés par les dauphins. Elephantocracy (La Révolution d'ivoire en VF) suscite la réflexion puis s'achève par une fin bien triste, qui voit un couple d'éléphants survivants tourner le dos à ses rêves de monde meilleur pour ouvrir un lavage auto.

Un film de Jack Trump, avec Babacar Gall-Berger et Wayne Dust

Une Vraie proposition de cinéma
À l'heure où le cinéma se cherche dans les allées digitales d'une foire à tout mondiale, il arrive qu'un miracle se produise. Fort de ses quatre-vingt-seize ans, JLG nous adresse un nouveau film-testament, dont l'audace formelle laisse pantois. Filmant son ordinateur en plan fixe, Godard délaisse l'écran pour ne montrer que le clavier, interprété – calembour délicieux – par Christian Clavier, crépusculaire. Un message, un seul : rien n'a encore été vu. Tout reste à voir.

★★★★ Un film de Jean-Luc Godard

Le Cintre mou
Trente-huit réalisateurs venus de chacun des pays de l'UE, s'associent pour raconter l'histoire de Guy, un homme sans relief, qui, à l'aide d'un simple cintre, décide de ne rien changer à sa vie. Un film hallucinant de puissant consensuelle, qui, conduisant son héros de Reykjavik à Tirana, réussit l'exploit de ne mettre le pied dans aucun plat. Terriblement rassurant.
★★★★ Avec Hans Müller et Helen Thompson

Pompé
Film sur le plagiat, Pompé revient sur l'affaire de ce scénariste américain qui, pendant trente ans, s'est vu  copieusement copié par un collègue plus en vue. Le portrait de la victime s'estompe rapidement au profit du voleur, fascinant cleptomane de l'esprit et brillant auteur, dont on avait pu admirer l'an dernier, l'excellent Pompéi, qui nous racontait déjà – mais en mieux – la même histoire transposée dans l'Empire romain.
Un film de Jack Half, avec Phil Andrea et Trampoline Roberts

Dolan
Premier réalisateur à réussir la manita (cinq palmes d'affilée), Xavier Dolan nous livre un film introspectif sur sa relation à lui-même, dans un autobiopic sans complaisance. Manière élégante de faire taire ses détracteurs et d'affirmer que sous le cinéaste aux stats impressionnantes, il n'y a pas qu'un égo, mais un cœur sensible, attentif aux moindres soubresauts du monde. Pour preuve, ce plan de trente minutes sur son lobe d'oreille, dont l'émeraude généreuse semble refléter tout l'univers.
★★ Avec Xavier Dolan

(Bref, je pourrais continuer à l'infini, mais je pense que vous avez saisi l'idée.)

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Publié le 17 Août 2019

(Je viens tout juste de me rendre compte que j'avais déjà écrit une critique de ces films en 2015. Le ton est aujourd'hui assez différent)

J'ai revu Kill Bill. Ai-je besoin d'en faire un résumé ? Bill et son équipe d'assassins ont battu à mort Beatrix Kiddo à son mariage, enceinte, alors qu'elle essayait d'échapper à l'emprise de son ancien boss. Beatrix va donc chercher à se venger, en tuant un par un chacun de ces assassins.

Et c'est comme souvent excitant, enlevé, bien dialogué, jouant sur un paquet de références : films de kung-fu, westerns, film de zombie, tout y passe. Le premier volume est plus centré sur l'action, le second sur les personnages et les dialogues, Tarantino s'amuse à faire digresser ses personnages, ça donne parfois l'impression qu'il se regarde écrire, mais il faut bien reconnaître que c'est brillant.

Mais.

Je n'avais jusque là pas remarqué à quel point Tarantino ne sait pas filmer les bagarres : c'est surcutté, confus, bordélique. Il filme comme un américain, alors qu'il aurait fallu filmer comme un hongkongais. C'est sans doute lié au fait qu'Uma Thurman, malgré tout l'amour que j'ai pour elle, n'est pas experte en arts martiaux. La meilleure scène est probablement celle en ombres chinoises (vol. 1, chap. 5), où c'est manifestement sa doublure qui fait le job.

Aussi, c'est gênant de voir le nom d'Harvey Weinsten au début du film ; on n'y peut rien mais quand même.
La logique du « rape & revenge » me gêne vraiment (il y a le même problème dans Boulevard de la Mort) (j'étais d'ailleurs complètement passé à côté de ce point à l'époque où j'ai fait ma critique). C'est un sujet compliqué : d'un côté Tarantino montre un personnage fort, puissant, pleinement conscient de ses capacités, de l'autre l'unique moteur de ce personnage est la vengeance contre les violences que des hommes lui ont infligées (viol, meurtre…). Et qu'il y a une forme de complaisance dans la façon dont Tarantino montre ces violences.
Tout le récit est en outre guidé par les hommes : moteurs de la vengeance, enseignants, sans les hommes Beatrix ne serait rien.
Et puis il y a le retournement final de la maternité : une fois qu'elle apprend qu'elle est enceinte, Beatrix ne veut plus être une assassine parc qu'elle est devenue une mère avant tout.

Pour aller plus loin, quelques lectures sur ce sujet compliqué mais passionnant : (article long mais particulièrement intéressant)

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