Articles avec #road trip tag

Publié le 24 Juin 2021

Lorsque l'usine à fermé, la ville de Fern a disparu en même temps que le boulot. Elle se retrouve seule, sans enfant, veuve, avec son van comme seule maison. Allant de petit boulot en petit boulot, elle intègre une communauté de nomades, laissés pour compte de la société moderne, vivant dans un à-côté aussi difficile que riche et joyeux.

C'est un film qui frôle le documentaire, puisqu'une bonne partie des personnages rencontrés sont de vrais nomades, dans leur propre rôle. Ce côté cinéma-vérité se ressent dans la justesse et la finesse des personnages. Frances McDormand est presque la seule actrice professionnelle, elle est magnifique, touchante, sensible.
Chloé Zhao reste près de ses protagonistes, avec beaucoup de pudeur et d'élégance. Les décors sont souvent sublimes, presque irréels de beauté.
C'est un film assez politique, mais qui laisse le monde extérieur en dehors, qui reste à distance de la politique. On n'est pas chez Ken Loach, ce n'est pas du cinéma social à proprement parler. La réalisatrice reste aux côtés de ses personnages, mais le choix de ce thème convoque avec lui un discours sur le monde capitaliste d'aujourd'hui qui n'est pas vraiment dans le film, mais qu'on ne peut pas ignorer.

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Publié le 2 Mars 2021

Don (Bill Murray) est un vieux Don Juan (?) qui vient de se faire larguer. C'est surtout un type seul et déprimé. Il reçoit une lettre anonyme lui annonçant qu'une de ses anciennes conquêtes est tombée enceinte de lui il y 19 ans, sans lui en parler, et que ce fils est probablement en train de le chercher.
Poussé par son voisin Winston (Jeffrey Wright), passionné par la résolution d'énigmes, Don part à la recherche de ses anciennes amours (Sharon Stone, Frances Conroy, Jessica Lange, Tilda Swinton).

C'est un road trip très américain dans la construction, plutôt touchant, porté par un Bill Murray magnifique – sa façon de raconter énormément sans rien faire ou presque, c'est tout un poème. C'est aussi un film plein de « male gaze », qui se justifie par le fait que c'est le regard de Don, mais quand même.

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Publié le 5 Juillet 2020

Joseph J. Blocker (Christian Bale avec une improbable moustache) est un capitaine de l'armée américaine, qui a passé une bonne partie de sa vie à buter des Natifs. Le colonel le charge d'accompagner le chef cheyenne Yellow Hawk (Wes Studi), malade et mourant, emprisonné dans leur camp du Nouveau-Mexique, jusqu'aux terres sacrées du Montana. Blocker, qui s'est battu contre Yellow Hawk, accepte à contre-cœur.
Et c'est donc le début d'un road trip où les 4-5 militaires accompagnent 4-5 Cheyennes. Sur leur chemin, ils croiseront une femme (Rosamund Pike) dont la famille a été assassinée par des Comanches vraiment très méchants, des épreuves et difficultés qui les rapprocheront petit à petit.

Bon, la structure est très classique, et rien ne surprend vraiment dans ce film. L'évolution des personnages est un peu convenue ; plus exactement elle n'est pas montrée dans le film : elle suit un schéma tellement habituel qu'on s'attend à ce qui va se passer, mais rien ne nous montre vraiment les raisons du rapprochement de ces deux personnages qui se détestent (enfin c'est surtout Blocker qui est plein de haine). C'est un peu dommage. Parce que sinon c'est beau, on a envie de s'attacher aux personnages, on se sent bien avec eux.
La représentation est Natifs est plutôt réussie (le National Congress of American Indians a salué le film) ; même si on peut regretter une représentation peut-être un peu caricaturale des Comanches. C'est comme si on n'en sortait pas : il y a les « bons Natifs », ceux qui sont plein de sagesse, et les « méchants Natifs », ceux qui tuent sans pitié et dont on peut saluer la mort.
C'est quand même un beau moment de cinéma, et loin d'être le pire western que j'ai vu ces dernières semaines.

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Publié le 22 Mars 2020

Édouard Lavenant est un vieil homme acariâtre et grincheux. Depuis son accident cérébral et le léger handicap qui immobilisé sa main gauche, il est assisté par Thérèse, une infirmière à domicile, optimiste, heureuse, satisfaite d'un rien.

Pascal Garnier, auteur du déjà très bien Comment va la douleur ?, emmène ses deux personnages dans des aventures improbables, drôles et surprenantes. C'est assez compliqué à résumer, puisqu'il y a l'apparition d'un fils imprévu, un road trip en Suisse, quelques morts, des engueulades et de la tendresse. On est sur une logique de péripéties, on pourrait presque imaginer ça publié en feuilleton (rien de méprisant là dedans). Même si on peut se dire au début que les deux personnages incarnent deux archétypes pas follement originaux, c'est souvent drôle, toujours inventif, magnifiquement bien écrit, avec une élégance du verbe et des images qui est un ravissement.

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Publié le 24 Février 2020

Dans le futur, les femmes sont devenues infertiles. L'humain le plus jeune du monde, âgé de 18 ans, vient d'être assassiné. Et comme si ça n'était pas assez la merde comme ça, le monde entier est en proie aux guerres, au terrorisme, aux épidémies, bref c'est le chaos. Sauf dans le beau royaume britannique, qui résiste encore et toujours aux envahisseurs : devenu une sorte de dictature militaire, le pays expulse à tour de bras les réfugiés qui espéraient trouver une vie meilleure.
Au milieu de tout ça, Theo (Clive Owen) est contacté par son ex Julian (Julianne Moore), leadeuse d'un groupe soit-disant terroriste qui cherche à favoriser l'accueil des réfugiés. Elle a besoin de son aide pour extrader Kee, une réfugiée africaine.

Ah bin c'est joyeux tout ça. Fin du monde, apocalypse, dictature, terrorisme, tout y passe, et on n'est pas vraiment hâte d'être dans le futur – peut-être l'effondrement prédit par les collapsologues ressemblera-t-il à ça ?
Le film est construit comme une course-poursuite, une sorte de road movie dans un monde en fin de vie. C'est efficace, bien interprété, ça parle de plein de sujets qu'on pourrait analyser mais pas ici parce que j'ai pas que ça à faire. C'est juste dommage que ce soit filmé en caméra au poing aussi maladroite, ça me sort du film tout le temps, ça me gâche les quelques plans-séquences un peu spectaculaires du film.

J'imagine que le film devait être assez spectaculaire à voir en 2006, parce que plus nouveau sans doute. Aujourd'hui, avec la collapsologie, on est plutôt habitués à ce genre d'images, d'autant plus que le réel est devenu aussi fou que le film (crise migratoire, mur de Trump…)

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Publié le 19 Février 2020

Travis marche seul, dans le désert du Texas. À bout de force, il s'écroule. Son frère Walt vient le récupérer à un hôpital local, il ne l'a pas vu depuis 4 ans, au moment où il a disparu. Mutique, Travis va petit à petit s'ouvrir, retrouver son fils, et raconter ce qu'il lui est arrivé.

Ce road-trip pourrait être émouvant si son fond n'était pas aussi réac. C'est un peu « patriarcat, the movie », puisque qu'il est centré sur un mec toxique (Travis), qui décide à la place des autres, et que ce sale type est manifestement présenté comme le héros positif du film.
Travis avait une femme bien plus jeune que lui, Jane, dont il était maladivement jaloux parce qu'elle lui appartenait, bien évidemment. Violent, possessif, il entretenait une relation toxique avec elle, la maintenant sous son pouvoir : il se rend malade de jalousie quand il est au travail, pensant qu'elle le trompe ; il décide d'arrêter de travailler pour être avec elle (pour la surveiller, donc). Ça pose quelques problèmes d'argent, mais bien sûr, à aucun moment il n'est envisagé qu'elle travaille. Elle finit par s'échapper avec son fils, Hunter, qu'elle abandonne à Walt et sa femme Anne, un couple sans enfants (elle ne l'abandonne pas tout-à-fait, elle prend de ses nouvelles, lui envoie de l'argent). C'est à ce moment-là que Travis disparaît, marchant dans le désert.
Donc, alors qu'il a 3 ans, Hunter est placé chez Walt et Anne, qui l'élèvent comme leur fils. Il les considère comme ses parents.
Et c'est là que Travis rentre (c'est le début du film). Il finit par décider de prendre son fils avec lui pour aller retrouver Jane, la mère du fils. Je passe quelques étapes, mais il décide que la place d'Hunter est avec sa mère, et lui se barre tout seul à la fin du film, dans ce qui semble être un sacrifice (alors que c'est juste de la lâcheté).

Donc : Travis ne demande pas l'avis de son fils, qu'il a totalement abandonné pendant quatre ans. Peut-être Hunter aurait-il aimé rester avec ses parents d'adoption ? Peut-être ne voulait-il pas partir avec son père ? Peut-être ne voulait-il pas rester seul avec sa mère ?
Travis ne demande pas l'avis de son frère et de sa femme. C'est son fils, il lui appartient, donc il peut faire ce qu'il veut avec lui, tant pis pour les autres (c'est un petit peu abordé dans le film, mais on oublie très vite ces deux personnages).
Travis ne demande pas l'avis de Jane. Parce que de toutes façons c'est une femme, ces créatures ne sont guidées que par un instinct maternel inévitable, c'est la nature, bien sûr. Et peut-être même que le fait qu'on la retrouve travaillant dans un peep-show est une justification, a posteriori, des craintes de Travis (j'ai peur que ce soit ce que le film sous-entende).

Autant le film est touchant au début, avec l'intrigante et mutique silhouette de Travis, autant quand il se met à parler et agir ça part vite en cacahouète.
Rapidement, le film se glisse dans un moule patriarcal, où les hommes décident pour les femmes et les enfants ; où la famille est définie par les liens du sang, pas ceux du cœur ; où la place des femmes est avec les enfants ; et où aucun de ces schémas n'est questionné, ils sont présentés comme la norme, voire comme positifs. Bref, vraiment pas ma tasse de thé.

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Publié le 5 Novembre 2019

Suite à une vague de grippe canine, le méchant maire de Megasaki a pris un arrêté signant la déportation de tous les chiens sur une île servant de décharge. Le jeune Atari se rend sur cette île afin de récupérer son chien. Il croise une bande de toutous qui vont l'aider à réaliser sa quête.

C'est plus ou moins un road movie, avec plusieurs courses poursuites, forme que l'on retrouve régulièrement chez Wes Anderson, et qui a fait ses preuves. Peut-être qu'ici elle est inutilement compliquée par des enjeux politiques à la fois trop présents et pas assez creusés (ce complot pour introduire des robots-chiens ?) ; manifestement WA maîtrise peu ces enjeux. L'autre défaut, à mon sens, est un jeu sur les langues qui par moments rend le film un peu difficile à suivre : les chiens parlent anglais, les humains japonais (parce que ça se passe au Japon, je ne l'ai pas précisé), parfois les humains sont traduits par des interprètes ou des machines, parfois c'est sous-titré, parfois ils parlent juste japonais sans qu'on comprenne. C'est rigolo, mais honnêtement je ne vois pas trop ce que ça apporte au film à part de la complication – si ce n'est que les chiens et les humains ne parlent pas la même langue, ce qui est logique, mais j'imagine qu'au Japon ça a posé problème1.
Reste que l'animation est particulièrement spectaculaire et virtuose, dépassant probablement Fantastic Mr Fox. La réalisation est évidemment soignée, moins trépidante que dans d'autres films récents de Wes Anderson, laissant un peu plus de temps pour apprécier l'action, les décors, l'image – c'est bien qu'il se soit un peu calmé.

Dommage, tout de même, qu'il y ait aussi peu de personnages féminins. Certes, l'une d'entre elles (l'étudiante journaliste militante) est centrale dans l'action, mais WA ne peut pas s'empêcher de faire de ses 3-4 personnages féminins des love storys de ses personnages masculins.
Mais de voir des personnages masculins plutôt émotifs (plusieurs persos pleurent, même si ces émotions sont rarement nommées) et guidés par la simple amitié est plutôt bienvenu.

* * *

1. Pour aller plus loin, l'article « What It’s Like to Watch Isle of Dogs As a Japanese Speaker » d'Emily Yoshida (Vulture) aborde cette question, et un peu la question de la culture japonaise dans le film, d'où il ressort, entre autres, qu'on peine à taxer WA d'appropriation culturelle.
« 'Isle of Dogs': Mutt ado about nothing? » de James Hadfield (Japan Times), au fil de sa critique (globalement positive), regrette que WA finisse par mettre les personnages japonais au second plan (l'étudiante, qui peut faire penser à une « white savior ».
« Unpacking the Fictional Japan of Isle of Dogs » de Nina Li Commes (The Atlantic) regrette que le film (comme d'autres) fasse du Japon l'archétype de l'autre : « Once again, Japan is reduced from a real place to a quaint tool [outil pittoresque], just eccentric and malleable enough to keep Isle of Dogs narratively afloat, as it has buoyed [servi de bouée] other Western stories through the years. »

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