Publié le 12 Mai 2015

Dans sa jeunesse, Tsukuru Tazaki a fait partie d'un groupe d'amis très soudé, fusionnel, dont il garde un souvenir d'idéale perfection. Jusqu'au jour où il a été viré du groupe, sans explication. Le choc a été si terrible pour lui qu'il a pensé en mourir. Aujourd'hui Tsukuru Tazaki pense aller mieux ; il est seul et solitaire ; il rencontre Sarah, dont il est pas loin de tomber très amoureux. Elle le pousse à exorciser ses anciens démons, et Tsukuru Tazaki va aller voir ses anciens amis pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé.

L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage est le premier livre de Murakami que je lis (!) Je ne sais pas si c'est représentatif de ce qu'il écrit d'habitude, mais ça me donne envie de creuser plus loin. Son écriture est très précise, minutieuse, juste et poétique. Il a un talent pour les comparaison inattendues (il faudra que je retrouve un exemple) mais qui communiquent parfaitement un sentiment, une sensation.
Quand j'y repense, il y a de sacrés mystères dans ce livre, de « crevasses » à la Flaubert, des trous dans la tapisserie. Des rêves, des souvenirs, qui n'ont l'air d'avoir rien à voir avec l'« histoire principale », et qui, d'une certaine façon, ne sont jamais résolus, qui restent en suspens. C'est assez étrange.

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J'ai essayé d'enchaîner directement avec L'amour et les Forêts d'Éric Reinhardt, mais c'est impossible : l'écriture de Murakami est tellement juste et délicate, qu'à côté Reinhardt paraît balourd, bavard et assez vain. Ce sont deux écrivains parfaitement opposés en terme de style, mais c'est à la défaveur de l'un d'entre eux. J'ai repris L'amour et les Forêts quelques jours plus tard, et ça s'est (un peu) mieux passé.

Reinhardt reçoit une lettre d'une admiratrice, Bénédicte Ombredanne, qui lui explique à quel point c'est un écrivain formidable et à quel point elle a été émue par son dernier livre (tout ça étalé sur plusieurs pages, même si ça explique à quel point leur rencontre a été intense, tu serais pas un peu complaisant sur les citations de compliments mon petit Éric ?) S'entame une relation épistolaire, ils se rencontrent deux fois, et voilà qu'Éric Reinhardt décide de raconter sa vie à elle dans son livre.
Bénédicte Ombredanne est professeure de français dans un lycée, elle a deux enfants, et un mari qui la harcèle. Un sale type manipulateur, paranoïaque, maladivement jaloux. Bénédicte Ombredanne est sous son pouvoir, jusqu'au jour où elle passe une journée merveilleuse avec un homme rencontré sur Meetic. Son bonheur est de courte durée, puisqu'à son retour, tout s'empire.

Un des soucis que me pose ce livre est la place du narrateur. C'est écrit « roman » sur la couverture, mais dans quelle mesure est-ce un roman ? Est-ce vraiment lui au début du livre ? Est-ce qu'il raconte vraiment la vie de Bénédicte Ombredanne ? Si oui, il remplit forcément les vides, d'où peut-être l'appellation de « roman », même si à mon sens on est très loin du travail romanesque de Jean Echenoz sur sa trilogie biographique (Ravel, Courir, Des éclairs). Et dans ce cas c'est légèrement choquant de vampirisme (il ne faut jamais rien raconter à un écrivain sinon il en fera un livre). Si c'est juste fictionnel, cette mise en abyme n'a pas de sens.
On est par exemple très loin du travail d'Emmanuel Carrère, qui, même s'il peut avoir cette tendance au vampirisme également, est toujours très clair dans sa place en tant qu'écrivain. Je suis peut-être un peu bête, mais ce flou sur la place du narrateur/écrivain, l’ambiguïté sur la véracité des évènements racontés me gène, et me paraît peut-être même légèrement malhonnête.

Ajoutez à cela le fait que Reinhardt est très bavard, ses phrases font presque tout le temps une demi-page, il décrit énormément. C'est très long, on frôle franchement l'ennui fréquemment. Ça n'en finit pas, et d'ailleurs je n'ai pas fini le livre, et je ne le reprendrai sans doute pas (et ça faisait vraiment longtemps que j'avais abandonné un livre).

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