J'ai retrouvé un petit recueil de nouvelles de l'écrivain japonais Ryūnosuke Akutagawa que je n'avais pas lues depuis longtemps, je m'y suis replongé avec bonheur.
Rashômon (1915)
À une période de famine du japon médiéval, un homme de basse condition s'abrite de la pluie sous la porte de Rashô. Affamé, sans travail, il en vient même à hésiter à devenir voleur. Il entend du bruit, monte à l'étage supérieur de la porte, et voit une vieille femme occupée à arracher les cheveux des cadavres, laissés ici faute de place, faute de savoir quoi en faire.
Les figures infernales (1918)
Un Seigneur, plein de vertu, commande à Yoshihidé, un peintre vil mais extrêmement doué, un paravent représentant des figures infernales. Le peintre, absorbé par on œuvre, est poussé dans les retranchements de sa folie mauvaise, qui déteindra également sur le Seigneur (il y a aussi une histoire de jeune fille, de viol présumé, de singe, mais si je commence à entrer dans les détails on va pas s'en sortir).
Dans le fourré (1921)
Cette nouvelle est peut-être la plus singulière du recueil : un cavalier a été tué, sa femme est portée disparue, un voleur a été retrouvé avec le cheval du cavalier. Et la nouvelle est constituée des sept dépositions de différents témoins et participants à ce fait divers, témoignages qui se recoupent parfois et souvent se contredisent, sans que l'on sache vraiment à la fin laquelle est la bonne.
Gruau d'ignames (1916)
Goi est un officier médiocre, laid, pauvre et ridicule, qui se fait moquer par tout le monde, y compris par les enfants. Une fois l'an, il est invité, comme tout les officiers, à profiter des restes du banquet du seigneur, qui comprend, entre autres, du gruau d'ignames, dont Goi rêve de se rassasier. Un officier supérieur, l'ayant entendu, lui promet de réaliser sa promesse et l'emmène sur ses terres, où il ordonne de préparer le plus gros gruau d'ignames du monde. Goi, devant tout ce gruau, en perd l'appétit.
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Ce recueil est plutôt inégal. Certaines nouvelles sont épatantes (Dans le fourré), d'autres réussies (Les figures infernales) d'autres franchement pas très intéressantes (Gruau d'ignames) – même si je garde bien en tête que c'est compliqué d'avoir un avis éclairé sur des textes écrits au Japon entre 1915 et 1921 alors que je suis à l'autre bout du monde un siècle plus tard. Dans tous les cas j'ai bien du mal à voir la cohérence entre ces textes. Rashômon et Gruau d'ignames (ce sont les textes les plus anciens du recueil) peuvent s'apparenter à des récits de moralistes, s'interrogeant sur la notion de bien et de mal, sur les désirs humains, sur ce qui pousse à agir de telle ou telle façon. Les figures infernales est une nouvelle fantastique dans la lignée des textes de Maupassant ou de Baudelaire (que Akutagawa a lu), qui est maîtrisée sans être réellement originale. Dans le fourré est un objet littéraire assez étrange, comme un texte d'inspiration « borgesienne » ou un exercice oulipien ou avant l'heure (un plagiat par anticipation, pour reprendre les mots de l'Oulipo).
Moralisme, fantastique, exercice oulipien : comme je le disais, la cohérence m'échappe un peu, et je dois avouer que je ne retiens pas grand-chose de tout ça. C'est (parfois) bien, mais pas prenant, pas touchant. Akutagawa maintient une trop grande distance entre lui et qu'il écrit : tout ça donne l'impression d'être lointain et de ne pas concerner grand-monde, pas vraiment le lecteur et pas toujours l'auteur.
Notons quand même que le grand Kurosawa a réalisé un film, Rashômon, moins inspiré par la nouvelle éponyme que par Dans le fourré.