Dans la petite ville de Mornay, le quotidien de Basile et Madeleine est chamboulé par l'arrivée d'un petit nouveau dans l'école : Mehdi Faber, un garçon d'une grande intelligence, solitaire et mystérieux. Petit à petit, ce garçon prend de l'ampleur et devient une sorte de mythe, de légende.
Bien des années après, Madeleine part à la recherche de Faber, qu'elle n'a jamais oublié. Reclus dans une cabane, sale, puant, il a perdu de sa superbe, mais semble toujours aussi magnétique.
C'est un forme qui a un peu la forme d'un thriller psychologique, avec un fonds politique, explicité dans l'incipit : un personnage flamboyant dans une époque terne. Le même discours est (plus ou moins) répété à la fin du roman, ce qui démontre l'importance de cette lecture pour Tristan Garcia.
Nous étions des enfants de la classe moyenne d'un pays moyen d'Occident, deux générations après une guerre gagnée, une génération après une révolution ratée. Nous n'étions ni pauvres ni riches, nous ne regrettions pas l'aristocratie, nous ne rêvions d'aucune utopie et la démocratie nous était devenue égale. […] Nous avions été éduqués et formés par les livres, les films, les chansons – par la promesse de devenir des individus. Je crois que nous étions en droit d'attendre une vie différente. […] Mais pour gagner de quoi vivre comme tout le monde, une fois adultes, nous avons compris qu'il ne serait jamais question que de prendre la file et de travailler. […] Nous avons souffert la société comme une promesse deux fois déçue. Certains s'y sont faits, d'autres ne sont jamais parvenus à le supporter.Il y a eu en eux une guerre contre tout l'univers qui leur avait laissé entr'apercevoir la vraie vie, la possibilité d'être quelqu'un et qui avait sonné, après l'adolescence, la fin de la récréation des classes moyennes. On demandait aux fils et aux filles de la génération des Trente Glorieuses et de Mai-68 de renoncer à l'idée illusoire qu'il se faisaient de la liberté et de la réalisation de soi, pour endosser l'uniforme invisible des personnes. Beaucoup se sont appauvris, quelques-uns sont devenus violents. La plupart se sont battus mollement afin de rentrer dans la foule sans faire d'histoires. Ils ont tenté de sauver ce qui pouvait l'être : leur survie sociale. J'ai été de ceux qui ont choisi de baisser la tête pour pouvoir passer la porte de mon époque – mais pas Faber, hélas ou heureusement. […] (P. 11-12)
Si les personnages principaux sont incarnés et réussis, le personnage d'Estelle est par contre un cliché de femme noire plutôt gênant. On peut relever une mise en abyme avec le personnage de Tristan, qui reprend le procédé que l'on trouve dans les romans fantastiques (l'écrivain qui témoigne de la véracité de ce qu'il a vu). Ça permet aussi à Garcia d'expliquer ce qu'il a voulu raconter dans ce livre (le fonds politique) (c'est peut être un peu appuyé).
La ville (fictive) est elle aussi un personnage passionnant, petite bourgade morne et terne de province.
Le principal défaut de Faber est sa longueur : l'écriture, très méticuleuse, ressemble parfois à un exercice de style, le résultat est que le livre finit par s'essouffler ; je pense qu'il aurait mérité à être resserré.