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Publié le 29 Avril 2024

Georges (Ramzy Bedia) se fait harceler par des gens à son lycée. Un jour qu'il a trouvé un pistolet mitrailleur, il les mitraille. Son pote Blaise (Éric Judor) le croise, joue avec le flingue : pas de bol, c'est lui que les flics arrêtent, et il passe 7 ans en prison.
À sa sortie, George vient le chercher à la sortie de prison. Tout a changé : les expressions ne sont plus les mêmes, la mode a changé, sa famille est partie loin de lui… Georges essaye de faire partie des Chivers, un gang de lycéens cools qui se font refaire le visage, boivent du lait, écoutent de la musique bizarre et jouent à des jeux étranges : il n'a plus envie de trainer avec un bouffon comme Blaise.

C'est le premier film de Dupieux, et tout est déjà là : un humour étrange, une Amérique plus ou moins fantasmée (c'est tourné au Québec) (Wrong, Réalité), un penchant pour les accessoires et transformations étranges (Le Daim, Incroyable mais vrai) un délire chelou autour de la cigarette (Fumer fait tousser). Le film est porté par Éric et Ramzy qui font de temps en temps leur numéro, mais c'est tout l'univers de Dupieux. C'est assez fascinant.
C'est moins esthétisant que dans la plupart de ses autres films, le travail sur la photographie est ici assez classique. Mais c'est bien fichu.

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Publié le 16 Avril 2024

La station est une utopie construite au fil des siècles, un lieu de rencontre pacifié entre différentes espèces de la galaxie. Alors que les mouvements Spéciens prônant une pureté des races prennent de l'ampleur, la station est un refuge pour tous les hybrides heureux de l'être. Les Paramètres adaptent automatiquement chaque pièce aux besoins en température ou atmosphère de chacun·e ; des implants personnels font ce travail s'il y a plusieurs espèces dans un même espace.
Freyja, une hybride « majo Humania », est née dans la Station : elle s'y sent comme chez elle, contrairement à sa mère qui vient d'une lune principalement peuplée d'Humanias. Freyja explore avec une joie sans cesse renouvelée les recoins de la Station et fréquente tout le monde qu'elle croise. Mais elle ne va pas tarder à se faire rattraper par des enjeux plus grands qu'elle.

C'est un formidable court roman. La première moitié est construite selon deux temporalités : dans le présent, Freyja est poursuivie par des personnages dont on ignore pour l'instant tout ; ce récit est entrecoupé de longs flashbacks sur la vie de Freyja dans la Station, et sur les différents évènements qui l'ont menée jusqu'au présent du livre. C'est une construction diablement redoutable, qui donne envie de lire la suite pour pouvoir boucler le récit.
Audrey Pleynet joue avec la langue, nous immergeant dans un univers inconnu dont les clés se donnent petit à petit – un certain nombre de mots inventés ne sont pas expliqués, on en comprend le sens au fur et à mesure de la lecture. Ce procédé est utilisé avec habileté, et on n'est jamais perdu dans le récit (sauf au tout début, on est plongé dans le grand bain sans passer par le pédiluve). Je remarque que comme pour Rivers Solomon, son écriture est assez peu visuelle : elle choisit de ne pas décrire les créatures extraterrestres que l'on rencontre tout au long du récit, et se contente de quelques indications (couleur, écailles, plumes, tentacules, nombre d'yeux…) C'est habile, parce que ça laisse évidemment beaucoup de place à l'imagination.
Le fond est assez politique, on peut facilement faire des échos avec le monde d'aujourd'hui, sans que ce soit trop appuyé : on peut vraiment pleinement profiter du roman au premier degré.

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Publié le 16 Avril 2024

Des bateaux disparaissent les uns après les autres dans les mers du Pacifique. Quelque chose se passe, mais quoi ? Après qu’une tempête vraiment louche est passée sur une île, des chercheurs et des militaires sont envoyés sur place. On trouve de la radioactivité, des trilobites (!) et des traces de pas gigantesques. Et puis, derrière une colline, une silhouette énorme : le fameux Godzilla dont parlent les légendes !

C’est un film spectaculaire, malgré des moyens pas toujours énormes : le costume de Godzilla est parfois vraiment pas très beau… Malgré tout, le ravage de Tokyo est spectaculaire, aidé par la lumière et les flammes qui rendent le tableau très vivant et impressionnant.
Quelques années avant le film, un bateau de pêche a disparu en mer à la suite d’essais nucléaires. La première scène du film reprend explicitement ces évènements, et on nous explique que ce sont ces essais nucléaires qui ont dû réveiller Godzilla, lui-même pouvant à présent semer la terreur radioactive sur le Japon. Alors que tout le monde cherche à tuer Godzilla, un personnage de paléontologue aimerait l’étudier ; un autre scientifique a inventé par mégarde une arme pouvait amener des destructions sans fin, mais il est terrifié en pensant aux usages qui pourraient être faits de son invention, et préfère mourir plutôt que de la voir tomber dans de mauvaises mains. Il y a tout le long du film cette ambivalence à propos de la science : outil de connaissance et de merveilleux, outil de mort et de destruction. La référence à la bombe nucléaire est explicite, et le film met en scène, d’une certaine façon, les enjeux qui domineront le Guerre froide dans les décennies à venir.

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Publié le 11 Mars 2024

On retrouve les personnages du premier épisode sur cette planète désertique. On continue de soupçonner Paul Atréides d'être le messie tant annoncé, les Fremen continuent de se battre pour leur liberté et leur indépendance, les Harkonnen sont toujours aussi méchants et les Bene Gesserit semblent toujours tirer les ficelles.

Et c'était super. J'avais beaucoup aimé le premier, je ne suis pas déçu. La mise en scène est spectaculaire et subtile, les images toujours aussi impressionnantes. Le scénario n'est pas vraiment surprenant, on peut deviner ce qu'il va se passer mais Villeneuve ne fait pas semblant de faire des révélations de dingue, donc c'est pas grave. Et c'est tellement bien raconté qu'on s'en fiche. J'ai hâte d'aller voir le troisième.

PS : même si c'est incomparable en terme de qualité, on pense parfois à Star Wars – j'avoue que j'ai un peu rigolé en relisant mes critiques de l'époque.

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Publié le 28 Décembre 2023

Cobb (Leonardo DiCaprio) est spécialiste de l'extraction d'information depuis les rêves. Un puissant chef d'entreprise lui propose de faire l'inverse : implanter une idée dans le cerveau d'un industriel concurrent, en échange de la promesse de pouvoir rentrer aux États-Unis retrouver ses enfants. Cobb doit maintenant assembler une équipe de choc pour ce boulot pas ordinaire.

De manière étonnante, je n'ai jamais rien écrit à propos de ce film sur ce blog, alors que c'est (au moins) la troisième fois que je le vois. Sans surprise, c'est un super film, intelligemment écrit, complexe mais jamais confus, savamment mis en scène, avec plein d'idées ébouriffantes. Alors oui, il y a quelques petites incohérences et un ou deux flous, mais quand on compare ce film à la bouse qu'est Tenet, il n'y a pas photo.
Christopher, que s'est-il passé pendant ces dix ans ?

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Publié le 3 Décembre 2023

Un type (John David Washington) est chargé de régler une guerre venue du futur : des objets à l'entropie inversée se comportent comme s'ils remontaient le cours du temps, et menacent d'annihiler le monde.

Christopher Nolan a envie de jouer avec le voyage dans le temps, super. Plein de choses intéressantes dans ce film, un concept sympa, des scènes d'action plutôt bien fichues…
Mais plusieurs gros défauts empêchent de passer un bon moment. Le principal est que les enjeux du film sont largement incompréhensibles : qui sont ces personnages ? qu'est-ce qu'ils cherchent ? qu'est-ce qu'il veut le gros Russe, et pourquoi le personnage principal tient tant à aider sa femme ? et cette Indienne, pourquoi on la voit ? J'ai assisté à une suite de scène divertissantes, certes, mais comment dire… ce n'est pas suffisant. Soyons clairs : Inception est un film un peu complexe, il faut être attentif pour bien suivre. Là il ne s'agit pas de ça : les enjeux ne sont pas (ou très très mal) expliqués.
Ajoutez à cela que les personnages sont à peu près quasiment inexistants, qu'ils n'ont aucun background, pas de passé, rien qui puisse les définir en dehors de leurs scènes d'action. C'est d'une pauvreté assez dramatique…
Du coup, à partir de la moitié du film, quand on commence à voir les trucs cools (l'inversion du temps), j'étais déjà largement saoulé – et évidemment aucun des défauts n'est corrigé.
Je savais déjà que Tenet n'a pas bonne réputation, je comprends pourquoi.

Quitte à jouer avec la temporalité, je préfère de loin quand Nolan fait Memento.

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Publié le 7 Novembre 2023

Les Dépossédés s'inscrit dans le cycle de l'Ekumen, dont fait partie La Main gauche de la nuit. Ici, il s'agit d'un système double : Urras est une planète riche et prospère, à la nature luxuriante, dont la société capitaliste est pourtant sclérosée par de profondes inégalités. Il y a quelques siècles, un groupe d'anarchistes collectivistes s'est expatrié sur Anarres, la lune d'Urras. Sur cette terre aride et inhospitalière, ils ont fondé une société radicalement égalitaire, un communisme non totalitaire.
Le roman suit en particulier le parcours de Shevek, un brillant physicien d'Anarres, qui est le premier à faire le voyage jusqu'à Urras.
Le roman est construit en deux parties parallèles : les chapitres alternent entre, d'une part, l'arrivée de Shevek à Urras, sa découverte de ce monde incompréhensible, plein de propriétaires, gouverné par l'argent et par des jeux de pouvoir ; et d'autre part la biographie de Shevek sur Anarres, où tout est partagé, où il faut beaucoup travailler pour servir la collectivité, où l'idée de liberté est centrale et où la pire insulte est « égotiste ».

Et c'est fantastique, passionnant, d'une richesse dans l'imagination stupéfiante, pleine de considérations politiques passionnantes (et clairement gauchistes), le tout porté par des personnages attachants et des parcours émouvants. Sa langue est élégante, précise, avec quelques envolées lyriques quand le récit le demande.
Si Shevek est le héro, Le Guin n'en fait pour autant pas le centre du récit et ne lui donne pas le rôle d'un sauveur ou d'un Messie, comme c'est le cas dans d'autres récits de SF classiques (Fondation, Dune, Star Wars…) ou plus récents (La Zone du dehors). Plus exactement, elle désamorce les choses quand le récit pourrait prendre cette tournure.
Ce livre permet quelques réflexions sur l'utopie : rien n'est tout blanc ou tout noir dans ce roman. Si les principes d'Anarres me parlent (évidemment) plus, ce n'est pas un monde rêvé, déjà parce que la planète est inhospitalière et que les famines n'y sont pas rares, ensuite parce que le mode de vie n'est pas sans défaut ou sans failles : les hiérarchies et les jeux de pouvoir perdurent sous des formes différentes, et la pression de la société peut être lourde (c'est un ami de Shevek qui parle) :

Nous n'avons pas de gouvernement, pas de lois, d'accord. Pourtant, il me semble que les idées n'ont jamais été contrôlées par les lois et les gouvernements, même sur Urras. Si tel avait été le cas, comment Odo [la fondatrice de la société anaresti, née sur Urras] aurait-elle développé les siennes ? Comment l'odonisme serait-il devenu un mouvement mondial ? Les hiérarchistes ont essayé de l'écraser par la force, et ont échoué, on ne peut pas briser les idées en les réprimant. On ne peut les briser qu'en les ignorant. En refusant de penser, de changer. Et c'est précisément ce que fait notre société ! Sabul [un physicien médiocre qui pille les idées de Shevek] t'utilise quand il le peut, et quand ça ne lui est pas possible il t'empêche de publier, d'enseigner voire de travailler. Exact ? En d'autres mots, il a du pouvoir sur toi. De qui le tient-il ? Pas d'une autorité investie, il n'y en a pas. Pas de son intelligence, il n'en a pas. Il le tient de la couardise innée de l'esprit humain lambda. De l'opinion publique ! Voilà la structure de pouvoir dont il fait partie, et qu'il sait utiliser. Le gouvernement inavoué et inadmissible qui régit la société odonienne en étouffant l'esprit individuel. » (p. 183)

Parmi les nombreux passages passionnants, j'ai relevé celui-ci sur l'art sur Anarres :

Les centres d'éducation enseignaient toute ce qui préparait à la pratique des arts : l'initiation au chant, la métrique, la danse, comment utiliser un pinceau, un ciseau, un couteau, un tour, etc. C'était un enseignement pragmatique : les enfants apprenaient à voir, à parler, à entendre, à bouger, à manier. Aucune distinction n'était marquée entre les arts et les métiers ; on ne considérait pas l'art comme partie intégrante de la vie, mais comme une technique fondamentale de vie, au même plan que la parole. L'architecture avait ainsi développé, très tôt et très librement, un style cohérent, aussi pur que clair, aux proportions subtiles. La peinture et la sculpture étaient également employées comme éléments de l'architecture et de l'aménagement urbain. Quand aux arts des mots, la poésie et le conte, ils avaient tendance à être plutôt éphémères ; ils étaient liés au chant et à la danse ; seul le théâtre se situait à part, et le théâtre était toujours appelé « l'Art » – une chose complète en soi. Il y avait de nombreuses troupes régionales itinérantes d'acteurs et de danseurs, des compagnies à répertoire, auxquelles étaient très souvent attaché un auteur. Elles jouaient des tragédies, des comédies semi-improvisées, des pantomimes. On les accueillait aussi bien que la pluie dans les villes isolées du désert, et elles étaient l'évènement de l'année partout où elles passaient. Exprimant et incarnant l'isolement et le communalisme de l'esprit anaresti, le drame avait atteint une force et un éclat extraordinaires. (P. 174-175)

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