Publié le 27 Août 2018

J'avais vu La vie est un long fleuve tranquille quand j'avais une dizaine d'années, je n'avais jamais vu Tatie Danielle. Est-il besoin de résumer ces films devenus cultes ? Ce sont deux films drôle et féroces qui méritent amplement ce statut. Certes, on voit à l'image que ça a vieilli – il faut être attentifs aux chemisiers d'Irène Jacob dans Tatie Danielle – mais ça fait indubitablement partie de leur charme.
Alors oui, ce n'est pas réellement du graaand cinémaaa, les cadres ne sont pas toujours inventifs, il y a quelques jump cuts un peu maladroits, peu d'idées visuelles – Tatie Danielle est clairement plus intéressant. Mais je chipote : l'intérêt est dans les dialogues, dans ces répliques devenues cultes, et évidemment dans Jésus revient qui est un des réjouissant sommets de La vie est un long fleuve tranquille.

Voir les commentaires

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #comédie

Publié le 27 Août 2018

Un camp de Gitans s'installe dans une ville. La vieille Angeline est accompagnée de ses quatre fils, de leur femme et de meurs enfants - mine de rien ça fait une vingtaine de personne, installés précairement dans la boue, les ordures, formant une communauté fermée sur elle-même parce que personne ne veut les voir.
Personne sauf Esther, une bibliothécaire qui décide d'aller tous les mercredis matins lire des histoires à ces enfants, tous aussi illettrés que les adultes. D'abord regardée avec suspicion, la gadjé va petit à petit s'attirer la sympathie de la famille.

Ce roman, que j'imagine plutôt réaliste et documenté, décrit donc la vie difficile des Gitans : l'oisiveté forcée et désespérée des hommes, les femmes à s'occuper des enfants, la pauvreté, la saleté... Il se dégage pourtant une beauté fière et une force de ces Gitans qui porte le roman. Pour autant, même si c'est vraiment un beau libre, quelque chose m'a empêché d'y entrer totalement, qui tient probablement à l'écriture : écrit principalement à l'imparfait (« Elle entrait, sortait de sa voiture des livres pendant que les enfants accouraient » etc), il y a quelque chose de l'éternité et du temps long qui donne au livre une certaine longueur, qui ralentit et amollit inutilement le cours du récit.

Voir les commentaires

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #littérature

Publié le 21 Août 2018

Sam est un oisif qui vit à Hollywood, passant manifestement la majeure partie de son temps à espionner sa voisine qui fait du topless. Il rencontre une nouvelle voisine qu'il trouve bien jolie. Leur soirée est interrompue, ils prévoient de se voir le lendemain. Sauf que le lendemain, son appartement est totalement vide : elle a déménagé dans la nuit.
Partant à sa recherche, Sam va tomber sur la piste des secrets et complots cachés d'Hollywood, et croiser le chemin de jeunes héritières perdues, d'un groupe de pop hype et perché, du roi des clochards, d'une secte de riches illuminés, d'un compositeur universel de tubes...

Voilà un film bien étrange, paranoïaque et complotiste : on nous cache des choses, on ne nous dit pas tout, il y a des messages secrets cachés dans tous les produits de la pop-culture. C'est une idée que je trouve un eu effrayante, mais qui marche bien dans une fiction.
Le film se déroule comme dans un rêve/cauchemar : on passe d'une scène à une autre comme par association d'idée, ou comme dans une galerie étrange où un tableau succèderait à un autre (le personnage principal est baladé d'un endroit à un autre, d'une scène à une autre). Malgré tout, le film a toujours une logique interne, un fil directeur assez clair.
La référence principale du film est assez claire : on pense souvent (très souvent) à David Lynch. Un certain nombre de scènes, de personnages, d'images auraient tout à fait leur place dans un film de Lynch. Cette mécanique du rêve/cauchemar qui lui ressemble beaucoup. Les lecteurs les plus assidus de ce blog se souviendront peut-être que j'avais été très déçu par le revisionnage de Lost Highway et de Mulholland Drive, les défauts que je trouvais dans ces deux films ne sont pas dans Under the Silver Lake : même si presque tout est bizarre, le film est finalement construit de manière assez linéaire, passant d'un tableau à un autre ; il n'y a à priori rien à décoder ici, pas de moment WTF ou de bascule dans autre chose. On pense aussi à Wes Anderson dans certains plans très composés et symétriques. C'est en tout cas un cinéma très visuel, jouant sur des images fortes et marquantes, souvent effrayantes.
Le principal défaut du film vient d'une certaine longueur (2h20 qui auraient parfois mérité à être condensées) et du travail sur les personnages qui me laisse un peu sur ma faim. Sam, le personnage principal n'est pas attachant (malgré Andrew Garfield qui est très bien, comme tous les acteurs) : il est voyeur, fainéant, raciste (son discours sur les SDFs !), un peu obsédé. Mais malgré tout, manifestement, toutes les femmes veulent coucher avec lui. On voit que c'est un film écrit et réalisé par un mec... Autre point sexisme : les personnages féminins sont relativement inexistants. Ce ne sont que des poupées qui donnent malgré elles des indices au héros et qui ont envie de coucher avec tous les mecs du film.

Voir les commentaires

Publié le 21 Août 2018

Nous sommes à Bombay. Un système assez sophistiqué de distribution de lunchboxes permet aux femmes d'envoyer à manger à leur mari. Ila Singh cherche a reconquérir le sien en lui préparant la meilleure nourriture possible. Mais, alors que c'est impossible, sa lunchbox est livrée à la mauvaise personne, en l'occurrence Saajan Fernandes, un homme acariâtre et solitaire proche de la retraite.

Et c'est un beau film tout mignon tout doux. Une comédie romantique amusante et touchante, qui dit en filigrane un certain nombre de choses sur la société indienne, notamment sur la place des femmes, qui ne fait pas rêver. L'image (photo, plans, lumières, couleurs) y est particulièrement belle. C'est un film qui a tout du Sundance movie, avec les qualités et défauts que ça peut sous-entendre, à savoir un certain formatage de l'image, de l'histoire, du style du film, qui est finalement assez passe-partout.

(Il faut tout de même que j'avoue ma grande ignorance de la société indienne et de son cinéma, qui me fait sans doute dire des banalités voire des bêtises)

Voir les commentaires

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma

Publié le 21 Août 2018

Dans les années 1930, trois anthropologues sont en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour étudier les populations autochtones. Nell est une femme brillante, méthodique et travailleuse, dont le livre précédent a été un immense succès public, ce qui rend jaloux son mari, Fen, anthropologue découragé par l'aura de sa femme. Andrew Bankson, le narrateur principal, est également fasciné par Nell.

Ce roman est inspiré par la vie de la manifestement fascinante anthropologue Margaret Mead. Euphoria décrit un trio amoureux et intellectuel, largement dominé par Nell, qui s'impose sans en avoir l'air ni forcément le vouloir, simplement guidée par son intelligence et son charisme. Le roman est, avouons-le, un peu long à démarrer. Il devient meilleur dans sa seconde moitié, quand les relations entre les personnages s'intensifient et deviennent un réel moteur du roman, quand des tensions narratives se mettent en place. La narration est principalement portée par Andrew Bankson, mais on y trouve également des extraits du journal de Nell et d'autres notations (m'évoquant Toni Morrison, en moins virtuose). C'est un bon roman qui – et c'est peut-être injuste – ne m'a pas particulièrement marqué. Il est en tout cas bien meilleur que Ce qu'il advint du sauvage blanc, qui traite également d'une forme d'anthropologie, mais où l'auteur a refusé de se documenter : ici la bibliographique, que livre Lily King à la fin du livre, est particulièrement longue, ce qui est bon signe.

Voir les commentaires

Publié le 21 Août 2018

Buffalo Bill était un homme de spectacle, un tueur de bison devenu le meneur du plus grand spectacle des États-Unis, le « Wild West Show », qui racontait la conquête de l'Ouest. Le tout digéré par le spectacle, par le show à l'américaine, disneylandisé avant l'heure. Ainsi du massacre de Wounded Knee, où des Indiens (Vuillard utilise ce mot) affaiblis, femmes et enfants compris, sont piégés, trahis, et massacrés jusqu'au dernier et enfouis dans d'immenses charniers, qui devient sous le regard de Buffalo Bill une bataille héroïque où l'armée américaine, victorieuse, brille. Le show est un gigantesque succès, rassemblant plus de 15 000 visiteurs deux fois par jours ; lors d'une tournée européenne, on lui refuse le Colisée : il est trop petit.

Tristesse de la terre est un livre en 12 chapitres comme autant de nouvelles, chacun sur des aspects donnés, sur un épisode, une évocation, une idée. C'est un livre superbe, poétique, terrible et désespérant. C'est un reality show avant l'heure, à l'origine du grand spectacle de masse auquel les étatsuniens nous ont habitués. C'est le règne du faux, du décor, tout y est transformé, digéré, remâché, offrant au public ce qu'il veut voir, souvent très loin de la réalité historique. Le destins des natifs américains y est évoqué (dessinant pour moi des liens avec Dalva), terrifiant, tragique et grotesque : ils jouent dans le Show, ils sont les acteurs de leur propre humiliation, de leur propre déchéance – Sitting Bull lui-même joue dans la « reconstitution » du massacre de Wounded Knee !

Voir les commentaires