Dans ce livre, qui n'est pas un roman, Julie Bonnie revient sur ses jeunes années, alors qu'elle était violoniste dans le groupe de punk-rock Myosotis – c'est du moins le nom qu'elle lui donne dans ce récit. Elle alterne des passages au présent et les souvenirs du passé, il y a une trentaine d'années. Elle peine à concilier les deux personnes : le récit au présent (Bonnie est âgée de 46 ans) est écrit à la première personne ; les souvenirs (qui commencent alors qu'elle a 13 ans) sont à la troisième personne, comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre ; cet artifice est assez efficace, surtout quand le « je » surgit à des moments inattendus.
C'est un récit de formation, énergique, jeune, un peu fou, réflexif aussi sur les idéaux de la jeunesse.
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(Je fais un résumé sommaire mais long du livre, mais c'est pour le travail)
(je vais évidemment complètement spoiler le livre)
La jeunesse, son énergie. Julie le crâne rasé, les dreadlocks rouges, le violon dans les mains, pantalon de cuir et soutien-gorge ; les autres membres du groupe sont tatoués, percés, en collant panthère...
1985, Tours, Julie est en cinquième. Ses parents habitent dans le centre-ville, ils sont bourgeois, enseignants en littérature et philosophie. Julie va au conservatoire, elle étudie le violon, sans passion ; c'est une bonne élève, une fille sage. Le début de l'adolescence est là, elle a envie d'ailleurs, d'autre chose, de casser les barrières, de sortir de son rôle de fille sage. Elle écrit des poèmes. Elle discute avec son ami Sylvestre, contrebassiste, qui écoute du jazz, un grand maigre à lunettes. Ils boivent un pot place Plumereau, la place cool de la ville, où tous les jeunes se regroupent. Julie rencontre Clarisse, une belle brune avec des tâches de rousseur, les yeux clairs, un chignon géant, beaucoup de maquillage, d'assurance, de gouaille. Elle est guitariste, une amitié fusionnelle naît, Julie s'est trouvé un modèle. Tous les trois écoutent de la musique, et décident de monter un groupe : Myosotis.
Premières cuites place Plumereau, les parents qui désapprouvent Clarisse. Premier concert dans un bar.
1988. Le groupe est devenu connu à Tours ; son personnage dessinée par Clarisse, la Chilulibulette, est partout ; ils jouent dans la rue, dans des bars. Julie rencontre Nicolas, 10 ans de plus, c'est le coup de foudre. Elle emménage avec lui vers
1990. Nicolas devient le manager du groupe. Il manque un batteur, ils rencontrent Ben, grand, roux, nez grec, athlète ; et Rod grand, fin, rasé, tresse, tatouages, chaîne, cuir, motard, percussionniste. Tous les deux sont engagés sans audition.
1990. Le bac, réussi sans gloire (où est passé la bonne élève ?). Une tournée des camping, des restos, des bars. La fatigue, les engueulades.
Présent : Julie, toujours avec Nicolas, retrouve Ben. Ils explorent les souvenirs, émotion.
Nicolas s'occupe du fan club, inscrit sur une mailing list (avec des adresses postales). Le groupe enregistre sa première cassette, gagne de l'argent grâce à la vente de tee-shirts : ils peuvent acheter un camion pour leurs tournées.
1991. Tournées des bars dans toute la France. Affirmation du groupe, expérimentations et improvisations, énergie de la scène, punk, rock.
Concert à Berlin. Engueulades sur la route, Julie reste un peu bourgeoise malgré tout, elle tient à son confort (« arrête de te plaindre ! »). Berlin c'est un autre monde, punk rock libertaire alternatif. Le mur est tombé il y a peu, incursion de l'Histoire dans le réel. Concerts explosifs. Retour à Tours, fatigue, engueulades, autre concert, fatigue, énergie et sueur. Julie et Nicolas déménagent à Paris. Pour elle, il n'y a rien d'autre que le groupe, elle n'a envie de rien faire d'autre.
Été 1992, tournée à l'est : Bratislava, Prague, Brno. Galères, énergie, euphorie, émotions fortes.
Premier disque, un CD. Pas de producteur, c'est le bordel, l'anarchie, les pistes sont enregistrées séparément alors que Myosotis est un groupe de scène. Finalement c'est bordélique, à l'image du groupe. L'album se vend mal, mais atteint quelques oreilles : une tournée en Allemagne, Hollande, Belgique. La question d'arriver à vivre de sa musique : pour l'instant les payes remboursent le déplacement, le groupe ange du jambon sous vide et de la mayonnaise premier prix. Un concert dans une secte hippie allemande, nudistes et sexe. Peur, gêne, honte et rire.
Le camion tombe en rade, les réparations sont hors de prix. Tant pis, il faut payer.
1993 : le groupe décide de devenir pro. Ça fait plusieurs années qu'il tourne à peu près partout, il faut y croire. Clarisse quitte (à regret ?) son boulot en agence de pub ; le père de Julie lui verse une sorte de pension (c'est plus facile pour elle de tout plaquer). 200 dates dans l'année, ça marche tant bien que mal. Clarisse est enceinte, elle prend des cours de chant qui lui permettent de se poser un peu. Julie est humiliée par le prof de chant, Clarisse ne prend pas sa défense. Tournée avec le bébé de Clarisse.
Une tournée est organisée avec les Inch, un groupe allemand, des idoles, des aînés. Le leader violoniste chanteur du groupe offre son archet à Julie : elle réalise qu'elle vaut quelque chose (!), gagne en confiance. La tournée épuisante, entre drogue, alcool et nuits blanches.
Julie travaille son violon, chante. Un deuxième album, à la recherche du tube pour passer à la radio, alors que le groupe est l'opposé de ça. Des dissensions entre Julie et Clarisse apparaissent, chacune est enfermée dans un groupe d'où elles aimeraient tirer leur voix/voie. Julie vise plus de punk, Clarisse vise un tube à la radio. Sans clairvoyance sur le résultat des enregistrements studio.
Mais succès n'est toujours pas là ; toujours les mêmes tournées dans des rades et des squats pourris. Clarisse tourne sans son bébé, qui lui manque ; Julie tombe enceinte. Depuis des années, le groupe a accumulé frustrations, aigreurs, rancunes. Pourtant chaque concert reste un évènement.
Le groupe est en résidence 10 jours, derniers instants de bonheur. Ils invitent les les Inch en première partie, marrades.
Mais c'est la fin. Les frustrations, les haines engendrent de la violence. Julie et Clarisse se voient pour la dernière fois en 1995. Comme une sœur siamoise arrachée.
Julie monte un autre groupe éphémère, Cornu. La fin d'un groupe, c'est comme une rupture violente.
Après des années d'assistante maternelle, elle retourne à l'écriture et à la musique.