Ce film raconte l'histoire (vraie) de Jake LaMotta, de son ascension au titre de champion du monde des poids moyens, avec l'aide de son entraineur de frère, jusqu'à sa pathétique déchéance, après qu'il ait tout perdu.
Bon, autant le dire : je n'ai pas aimé ce film. Je ne fais vraiment pas exprès de ne pas aimer des films qui sont reconnus comme de grands classiques, voire des chef-d'œuvres, je vous jure, je n'y peux rien.
Mon gros problème est que je trouve que Jake et son frère sont des gros cons (surtout Jake). De petite racailles sans envergure, un peu minables, violentes, grandes gueules, prétentieuses et misogynes (oui, bon, ok, disons que ce dernier point était courant à la fin des années 1940, mais quand même, ça fait beaucoup). Jake passe de gros con à taré jaloux paranoïaque puis à loser pathétique, ce qui est une progression remarquable, mais quand il devient un loser, il est trop tard pour avoir de l'empathie pour lui : je n'ai pas pu m'empêcher de penser « c'est bien fait pour lui, s'il avait été moins con il s'en serait peut-être mieux sorti. » Et si je n'arrive pas à aimer le personnage sur lequel est centré le film, j'ai du mal à aimer ce film.
Reconnaissons à Scorcese de ne pas avoir voulu enjoliver la réalité, de ne pas avoir voulu faire de Jake LaMotta un héro de film Hollywoodien à violon comme on aurait pu le craindre. Pourtant il y a beaucoup d'autres personnages qui subissent la même trajectoire sans qu'ils aient besoin d'être de gros cons : musiciens, peintres, compositeurs... La liste est immense. Pourquoi aller chercher Jake LaMotta ? Scorcese ne filme même pas tant que ça les matchs de boxe, on dirait que ça ne l'intéresse pas plus que ça, ils ne sont pas de vrais moments de tension dans le film. Si j'ai bien compris, LaMotta était spécialiste des retournements de situation en sa faveur au dernier round, par un KO inattendu. Sauf que comme Scorcese commence à filmer à la fin de l'avant-dernier round, il n'a donc pas le temps de faire monter la tension qui nous permettrait de vibrer, et finalement, ça ressemble plus à une scène explicative (LaMotta a gagné tel combat) qu'à une vraie scène de cinéma construite dans la durée, avec sa dramaturgie. Moi qui n'y connait pas grand-chose à la boxe, je n'ai rien appris sur les raisons pour lesquelles LaMotta était un grand boxeur, quelles étaient ses spécificités, son style...
J'ai quand même vraiment aimé des scènes parcellaires, des tranches de vie assez touchantes, filmées en couleur en super-8 – et je me rends compte en écrivant que c'est terrible de se souvenir en particulier de la seule scène en couleur dans un film en noir et blanc – plutôt bien travaillée au passage.
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Je viens de relire ma critique des Affranchis du même Scorcese, que je n'avais pas aimé non plus, pour d'autres raisons. Décidément, Martin n'a pas la côte en ce moment avec moi.
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Pourquoi est-ce qu'on aime un film ? En voilà une question qu'elle est bien. Parce qu'il nous touche, nous émeut, parce qu'il nous intéresse ? Que ce soit sur le fond (l'histoire, les personnages...) ou sur la forme (l'image, le cadre, le rythme...), évidemment dans le meilleur des cas sur les deux plans.
On peut être touché par des personnages, par la relation subtile qu'ils entretiennent ; spontanément je pense à Carol, mais il y a évidemment d'autres exemples. Le cinéma c'est aussi ça : de belles histoires. Même si pour moi ça ne suffit pas, il faut qu'il y ait de la mise en scène – sinon pourquoi faire du cinéma plutôt que du roman, de la radio, du théâtre ? Cette problématique est liée à un de mes super-pouvoirs, à savoir : je m'identifie hyper facilement à un personnage. Quelqu'il soit. Donc je vibre, j'ai peur, je suis ému, en colère, synchronisé avec le personnage. C'est une de mes clés d'entrée dans un film – ce n'est pas la seule, et elle n'est pas obligatoire non plus. Mais quand ça ne marche pas, comme devant Raging Bull, que ce soit parce que c'est mal écrit, que c'est cliché et caricatural, ou parce que le personnage est un gros con, c'est qu'il y a un problème.
Sur le plan visuel, sans vraiment réfléchir je citerai le Kurosawa, ou il y a plus longtemps Under you skin, auquel je continue de penser. L'émotion peut être purement esthétique, c'est pour moi une évidence. Sinon comment pourrait-on être ému par des images uniques, qui ne racontent par nature que peu de choses (par rapport à un roman, par exemple), comme la peinture ou la photographie ? J'ai été ému aux larmes par l'exposition de Valérie Jouve au Jeu de Paume, et notamment par ses paysages : autant dire des images avec le moins de contenu narratif possible. Pourtant ça m'a touché. Parce que ses photos ont une beauté plastique indéniable, bien sûr, mais aussi à cause d'une forme de projection, d'intentions données à la photographe – je me suis dis qu'elle avait un regard extrêmement sensible. La beauté est émouvante.
Je me rends compte que dans ce petit traité d'Esthétique impromptu (rien que ça – quand je le publierai je l'appellerai probablement Critique de la faculté de juger des films), je parle beaucoup d'émotion, autant dire d'un ressenti purement personnel. Vous remarquerez au passage que j'ai demandé « pourquoi est-ce qu'on aime un film ? » et non « pourquoi est-ce qu'un film est bon/réussi ? » Subjectivité/objectivité. Je remarque que, le temps passant, j'accorde de plus en plus de place à l'émotion, comme si avant je cherchais plus à me réfugier derrière des critères « objectifs » pour ne pas aborder cette question fondamentale. Ce qui ne m'empêche pas d'apprécier quand un film est formellement tellement parfait, inventif et intelligent qu'il en devient extraordinaire (Kurosawa encore).
Bref, je ne sais pas biern où tout ça me mène. Dans tous cas cas, dans Raging Bull je n'ai rien ressenti de tout ça. Le fond ne m'a pas parlé (je pense que vous avec compris), et la forme ne m'a pas particulièrement impressionné ou touché non plus. C'est bien fait, oui, mais c'est pas incroyable non plus, à part quelques plans à la fin qui sont assez spectaculaires, mais pas suffisamment pour « sauver » le film.
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Je serais curieux de savoir ce que toi, lecteur, tu penses de mes raisons pour aimer les films. Est-ce que tu as un avis différent, ou est-ce que finalement je ne fais qu'enchaîner les banalités ?