Après un prologue annonciateur du déroulé du film, à la manière d'un chœur dans une tragédie grecque, le film se divise en deux chapitres. Le premier est consacré à Justine (Kirsten Dunst) qui se marie mais qui n'aime manifestement pas son époux. D'ailleurs personne ne s'aime vraiment dans cette famille, et donc ça va mal se passer.
Le second chapitre est centré sur Claire (Charlotte Gainsbourg), la sœur de Justine. Alors qu'une planète inconnue jusqu'ici cachée par le soleil, Melancholia, va passer à proximité de la Terre, Claire héberge Justine en sérieuse dépression après son mariage raté dans le château de son mari. Mais la vraie question est : Melancholia va-t-elle percuter et détruire la Terre ?
Je me rends compte que j'ai déjà mentionné mon aversion pour la caméra au poing en parlant de Still the water de Naomi Kawase ; j'avais oublié que ce film tombait dans ce travers, et ça me déçoit parce que j'en garde quand même un (très) bon souvenir.
Mais il faut quand même que j'en rajoute une couche. Pour plein de raisons, je n'aime pas les films inspirés par le « Dogme95 ». Dans Melancholia, von Trier s'en détache beaucoup : il y a des effets spéciaux numériques, l'image est très travaillée, il y a des effets de montage et de ralenti, bref l'idéal de « pureté » (j'insiste sur les guillements) du cinéma proné par le Dogme est bien loin. Pourtant il en reste des séquelles, comme cette manie stupide de filmer caméra au poing.
Soyons clairs : parfois cette façon de filmer peut être justifiée, dans des films style « found footage » ou dans tout ce qui peut s'approcher d'un faux documentaire évidemment, mais aussi, (j'insiste : quand c'est bien fait), quand il y a du mouvement, de la vitesse (cf Il faut sauver le soldat Ryan par exemple). Mais dans un film purement fictionnel, dans des plans fixes ou dans des scènes de dialogues, je ne comprends pas. Tout simplement parce que JE VOIS LE CADREUR QUI EST EN TRAIN DE FILMER. Et quand il s'agit d'une scène où il n'y a aucune raison qu'il y ait un caméraman dans la diégèse du film (quand un personnage est seul dans sa salle de bain, par exemple), le résultat, c'est que je vois la caméra, les acteurs sur un plateau de tournage, les techniciens autour, je vois le film en train d'être tourné. JE VOIS L'ARTIFICE. La fameuse suspension de la crédibilité qui fait qu'on entre dans une œuvre de fiction est pour moi totalement gâchée par cette putain de caméra au poing. Et comme ça fait manifestement partie intégrante du style de von Trier, je pense que je peux dire que j'ai un gros problème avec son cinéma en général, confirmé par Melancholia.
Parlons-en, du film, justement. Il commence par un prologue assez beau, des tableaux quasiment immobiles, des images poétiques, surnaturelles et un peu surréalistes qui annoncent les enjeux et le déroulé du film. Il y a même des images qui évoquent l'ouverture de 2001, c'est dire. Pourtant, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que l'exagération du ralenti de ces images avait quelque chose de légèrement poseur. Mais ne soyons pas bégueules, c'est clairement ce qu'il y a de plus réussi dans le film.
Le premier chapitre, le mariage raté de Justine, est beaucoup trop long. Le problème étant surtout que c'est mal écrit, les personnages peinent à s'incarner, la plupart d'entre eux semblent vides et dénués de personnalité, à commencer par les mariés. Et notamment Justine, qui nous fait une crise existentielle dont les causes ne sont jamais expliquées ni même sous-entendues (ou alors c'est que je suis trop bête pour comprendre). On regarde un personnage qui fait n'importe quoi sans qu'on sache pourquoi, et cette totale absence d'explication des enjeux et motivations du personnage ne permet pas de rentrer dans le film. De la même façon, tous les autres personnages sont super mal introduits : il m'a fallu une heure pour comprendre que le personnage joué par Kiefer Sutherland est le mari de Claire – alors que ça a de l'importance dans le récit. Je pourrais continuer à lister les problèmes, mais je dirai juste qu'il y a plein de bons acteurs dans ce film qui sont très mal exploités parce qu'ils jouent des personnages de merde. Pour résumer : une histoire qui ne m'intéresse pas au cours de laquelle j'ai passé plus de temps à me demander « qui ? pourquoi ? quand ? » qu'à vraiment m'intéresser aux personnages. Certains films jouent sur ce mécanisme volontairement, mais là non, c'est juste pas clair et mal branlé. Mais surtout, au-delà de ces questions d'écriture, le problème est que c'est encore une histoire de règlements de comptes en famille, comme on en a vu des centaines*, et comme manifestement von Trier n'est pas particulièrement inspiré, on n'y voit rien que l'on n'aie déjà vu des dizaines de fois.
Le deuxième chapitre est plus réussi. Même si c'est un peu n'importe quoi scientifiquement, cette histoire de planète cachée qui va (peut-être) entrer en collision avec la Terre est intéressante et plutôt bien menée, la montée progressive de la tension est réussie. Mais là aussi les personnages sonnent faux, ont des réactions absurdes ou même pas de réaction du tout. Finalement le seul personnage qui a l'air humain du film (dans le sens où il est incarné et a l'air vivant) est Claire, le personnage joliment incarné par Charlotte Gainsbourg. Mais quand même, cette dernière partie est un peu prévisible, et encore une fois beaucoup trop longue (cette manie qu'ont les réalisateurs intellos de faire des films chiants pour donner l'impression qu'ils sont complexes et riches).
Au final, Melancholia, c'est quoi ? C'est au début de très belles images bien qu'un peu poseuses ; une première partie dont je me serais bien passé, non pas parce que ce qui est dit est dur (même si ça l'est), mais parce qu'on s'en fout complètement ; et une dernière partie plus intéressante mais chiante quand même.
Je peux passer outre le fait que scientifiquement cette histoire de planète ce soit n'importe quoi, je le remarque, mais disons que c'est de la SF, suspension de la crédibilité, ça fait un enjeu et de belles images, okay, je marche. Mais tout ça pour dire quoi ? Pour dire des choses aussi débiles que « life is evil », la vie est méchante. Et par conséquent ce n'est que justice que la Terre soit détruite. Là je ne peux pas. Donc les papillons sont méchants. Les arbres sont méchant. Les bébé koalas, les vaches, les poissons rouges, les baleines sont méchant(e)s. Merci pour la profondeur de ton analyse mon petit Lars.
Je suis également gêné par le discours (non explicite, c'est un sous-texte du film) assez réactionnaire sur la science et les scientifiques qui se trompent, qu'il ne faut pas croire, alors que les complotistes ou les médiums ont raison. Dans ce film, il est bon d'être irrationnel. Il y a d'ailleurs un très beau « voyance ex-machina » quand Justine révèle qu'en fait elle est medium (« I know things », franchement, la qualité des dialogues), alors que ça sort de nulle part et que c'est purement bullshit.
Bref. J'avais laissé tombé depuis un moment Lars von Trier, je me souviens pourquoi maintenant.
Allez, pour le plaisir, relevons une super blague. Vous savez ce que c'est, les filles ça sait pas conduire, et au début du film, quand Kirsten Dunst essaye de démarrer une voiture, elle met en marche les essuie-glaces ! Ha ha, c'est vraiment rigolo l'humour sexiste des années 50.
* Et notamment dans le Festen de Thomas Vinterberg, premier film du « dogme », qui m'avait déjà emmerdé.