Publié le 25 Novembre 2021

Orphée (Jean Marais) est un poète célèbre, apprécié du public mais détesté de ses confrères. À la suite d'une bagarre au café des poètes, Cégeste (Édouard Dermit) est renversé par deux motards. Une mystérieuse femme (Maria Casarès ) met Cégeste mort dans sa voiture, et demande à Orphée de le suivre. Ils arrivent dans une vieille bâtisse décrépite, suivis par les motards.
Orphée ne comprend pas ce qui lui arrive, la femme lui répond : « vous cherchez trop à comprendre, c'est un grave défaut » (cette idée revient plusieurs fois). La femme, une incarnation de la mort, réveille Cégeste. Tous deux traversent un miroir, et partent dans l'autre monde.
Orphée rentre chez lui, il est exécrable avec Eurydice, sa femme. Heurtebise, le chauffeur de la mort, les accompagne, et tient compagnie à Eurydice. Orphée, toujours exécrable, est obsédé par de mystérieux messages de la radio. Il les reprend à son compte : on réalise que ce sont des extraits de poèmes de Cégeste. Orphée est accusé de plagiat par les poètes, et de mal traiter Eurydice par les amies de celle-ci, les Bacchantese.
Eurydice est renversée par les motards, elle meurt. Orphée, obsédé par la radio, réagit trop tard. Heurtebise lui propose d'aller aux enfers chercher sa femme. La Mort y est jugée pour initiative personnelle : la mort d'Eurydice par amour pour Orphée. Ce dernier réussit à rentrer avec sa femme, mais l'interdiction de la regarder est trop compliquée : un rétroviseur sera fatal. Les poètes manifestent en bas de chez lui, Orphée prend une balle.
Il retourne aux enfers, aux côtés de la mort. Celle-ci fait remonter le temps, elle le renvoie sur terre, aux côtés d'Eudydice, et efface tout ce qui s'est passé.

Cocteau nous présente un récit plus linéaire que celui du Testament (qu'il n'éclaire finalement pas tant que ça). C'est un film moins singulier que son successeur, mais tout aussi intéressant. La fin est un peu étrange, qui efface tout ce qu'on a vu (en mode « c'était un rêve »), mais avec la profondeur de la tragédie, qui fait que tout cela est comme une épée de Damoclès sur les deux amoureux.
Cocteau est moins aventurier que dans le Testament, même s'il y a déjà quelques images passées à l'envers du plus bel effet. Certains des effets spéciaux (une vue subjective devant un miroir) sont assez étonnants. La poésie des images est moins fortes que dans le Testament mais c'est beau quand même.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #France

Publié le 25 Novembre 2021

Ce film est une divagation poétique, qu'il est compliqué de résumer. Je vais essayer de le faire de façon factuelle.

Jean Cocteau, fantôme errant dans les méandres du temps, habillé en damoiseau, cherche à contacter un scientifique qui travaille sur la mort. Il récupère des balles magiques qui lui permettent de ressusciter, et de revêtir des vêtements modernes.
Il suit un homme à tête de cheval, qui l'emmène dans un camp de Gitans. Il croise la route du poète Cégeste qui lui donne une fleur d'hibiscus. Une fille répond à des questions d'un jeu télévisé, Cocteau essaye de dessiner la fleur mais c'est un autoportrait qui apparaît. Il déchire la fleur, puis la ramène à la vie. Cégeste l'emmène devant un tribunal qui l'accuse d'« innocence ». (Ces dialogues sont assez abscons mais jolis). Il est condamné à la peine de vie.
Alors que Cégeste le laisse, il continue à cheminer, croise Iseult et lui-même. Il arrive dans un palais en ruine (une immense carrière). Il rencontre la déesse à qui il veut donner sa fleur, mais la déesse le transperce de sa lance. Il ressuscite une nouvelle fois, avec des yeux ouverts. Il croise Œdipe aveugle et deux policiers à moto. Cégeste surgit, qui emmène le poète dans un autre monde.

Le préambule annonce un film poétique et biographique :

Le privilège du cinématographe, c'est qu'il permet à un grand nombre de personnes de rêver ensemble le même rêve et de montrer en outre, avec la rigueur du réalisme, les fantasmes de l'irréalité, bref c'est un admirable véhicule de poésie. Mon film n'est pas autre chose qu'une séance de strip-tease consistant à ôter peu à peu mon corps et à montrer mon âme toute nue. Car il existe un considérable public de l'ombre, affamé de ce plus vrai que le vrai qui sera un jour le signe de notre époque. Voici le legs d'un poète aux jeunesses successives qui l'ont toujours soutenu.

Pourtant il n'est pas évident de suivre un quelconque fil biographie dans ce film, plutôt construit comme une rêverie. Les scènes s'enchaînent les unes aux autres d'une façon logique, mais l’ensemble est un peu obscur. Il me manque probablement quelques clés : je n'ai pas (encore) vu Orphée (1950), précédent film de Cocteau auquel Le Testament fait largement référence.
Mais ce n'est pas vraiment gênant et ça n'empêche pas d'apprécier le film, sa beauté formelle, l'élégance de sa mise en scène. Je ne m'attendais pas à ce genre d'images, c'est très moderne dans la façon d'aborder le cinéma (avec les moyens de l'époque, bien sûr). Beaucoup d'images sont montrées à l'envers, il y a quelques ralentis : ce sont des moyens très simples auxquels Cocteau donne une grande force d'évocation et une grande puissance poétique.
Le jeu avec les décors est lui aussi épatant : il y a quelques scènes dans une nature un peu déserte, la grande carrière dont j'ai parlé, qui est impressionnante. Beaucoup des autres scènes sont tournées dans un studio à peine aménagé : un ou deux meubles, le reste n'est que le fond du studio, le 4e mur brisé. C'est également étonnant de modernité1.
C'est un film tellement beau, inventif et intelligent sur le plan visuel qu'il n'est pas nécessaire de chercher à tout comprendre ni à tout expliquer (c'est d'ailleurs ce qu'explique Cocteau dans le film lui-même).

* * *

1. Je n'ai pas vu Dogville de Lars von Trier, mais en jugeant des extraits que j'ai vus, Cocteau fait incomparablement mieux - en bonne partie parce qu'il filme mieux.

* * *

J'ai vu Orphée : il y a quelques parallèles à faire, la plupart des acteur·ices sont présents dans les deux films, mais je ne suis pas sûr que ce soit indispensable.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #France, #poésie

Publié le 20 Novembre 2021

Les États-Unis ont perdu la seconde guerre mondiale. Le pays est divisé en trois zones : à l'ouest sous domination japonaise, à l'est sous domination nazie, avec une zone neutre au centre.
Le roman est construit autour de plusieurs personnages et se passe principalement dans la zone japonaise. Frank Krink travaille le métal pour fabriquer de fausses antiquités américaines destinées aux occupants Japonais, qui raffolent des pièces « archaïques ». Robert Childan tient une boutique qui vend de telles pièces - sans savoir qu'il lui arrive de vendre des faux. Nobusuke Tagomi est haut fonctionnaire chargé du commerce qui attend un émissaire de Suède. Dans la zone neutre se trouve Juliana Frink, l'épouse de Frank dont elle est séparée.
Une petite partie de l'intrigue tourne autour d'un roman, Le Poids de la sauterelle, qui décrit de façon détaillée un monde dans lequel les Allemands et les Japonais ont perdu la guerre.

Il ne se passe finalement pas grand chose dans ce livre, et pourtant K. Dick arrive quand même à nous accrocher, en bonne partie parce qu'on a envie d'en savoir plus sur ce monde qu'il invente. Il manie également des intrigues qui ont toutes l'air d'être des histoires secondaires mais qui sont si habilement menées qu'on ne les lâche pas.
Le roman dans le roman, uchronie dans l'uchronie, décrit un monde qui ressemble au nôtre mais en diffère sur plusieurs points importants. C'est une mise en abyme plutôt intelligente ; ne sommes-nous pas nous-mêmes des personnages d'un livre uchronique lu par d'autres ? Quelle est la « bonne » version de l'histoire ? Et en y repensant, le livre joue à plusieurs moments sur les faux-semblants et les apparences : faux objets antiques, personnages sous une fausse identité, quelques séquences d'hallucinations… Comme s'il y avait des failles entre différents univers parallèles. Ce n'est qu'une des nombreuses clés du livre, parmi lesquelles ont peut citer le Yi King, livre divinatoire chinois (également utilisé au Japon).
Bref c'est dense, riche et passionnant et ce n'est pas pour rien que É. me le recommande depuis une dizaine d'années.

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Publié le 7 Novembre 2021

Dans la Chine des années 1930, si le redoutable gang de la Hache fait la loi, le quartier de la porcherie est trop pauvre pour les intéresser. Cet ensemble d'habitations est dirigé d'une main de fer par une femme pas commode. Sing (Stephen Chow), un gangster minable qui rêve d'être un grand, va amener ces différents à se rencontrer, pas pour le mieux.

C'est un film qui emprunte énormément au cartoon dans le jeu des acteurs, dans certains gags, dans la façon de filmer - on pense aussi au western. Quelques plans à la grue sont vraiment élégants. Sinon c'est un petit peu tarte et prévisible, les blagues sont un peu débiles, c'est homophobe, sexiste et plein de male gaze. C'est un peu mieux dans le dernier tiers, quand les bagarres prennent le dessus sur le scénario.
Notons que c'est un film de Stephen Chow écrit par Stephen Chow dans lequel Stephen Chow joue le rôle d'un type normal qui devient (un peu par hasard) le plus grand guerrier de tous les temps. Il y a peut-être un petit problème d'égo derrière tout ça.

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Publié le 4 Novembre 2021

Tommy Wiseau est un aspirant acteur sans talent mais sans inhibition. C'est un personnage très mystérieux dont on n'arrive pas à savoir grand chose, si ce n'est qu'il habite dans une réalité différente des autres gens.
Il embarque avec lui à Los Angeles Greg, un autre aspirant acteur et son seul ami. À force de refus, Tommy décide qu'il va réaliser un film avec un beau rôle pour Greg. Et c'est le début d'une improbable aventure.

Ce film est l'histoire vraie du film The Room, connu pour être un des plus immenses nanars des années 2000. C'est souvent drôle, c'est assez fascinant et parfois malaisant.

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Publié le 1 Novembre 2021

C'est un roman qui peint une journée de Mrs Clarissa Dalloway, une dame de la haute bourgeoisie (aristocratie ?) britannique. Elle organise une soirée, à laquelle tout le gratin londonien est convié. Elle fait quelques courses, Peter Walsh lui rend visite, qui était amoureux d'elle dans leur jeunesse, et qui, inconsolable, est parti dans les Indes. Son mari Richard passe, qui travaille au Parlement, un homme simple, que certains ne trouvent pas à la hauteur de Clarissa mais qui la rassure. Leur fille Elizabeth entretient une relation trouble avec la dévote miss Killman.
On croise aussi la route de Septimus Warren Smith, un vétéran de la Première guerre mondiale en plein syndrome post-traumatique, dont les hallucinations navrent sa femme Rezia.

Je ne sais pas trop comment résumer ce livre, parce qu'il ne s'y passe pas grand chose. Virginia Woolf le construit un peu sur le fil de la pensée : les personnages pensent (beaucoup à leur passé), leurs idées s'emboîtent les unes dans les autres, le fil de la pensée passe parfois d'un personnage à l'autre. Ça évoque un peu un long plan séquence de cinéma, j'ai pensé à Cléo de 5 à 7.
Le problème est sans doute que ce fil de pensée m'emmène dans mes propres pensées, ce qui est une façon polie de dire que je me suis quand même ennuyé. Certes, au bout d'un moment j'ai pris du plaisir à retrouver ce livre ; certes, il y a des thèmes intéressants (le suicide, les traumas de la guerre, ce qu'on fait des idéaux de notre jeunesse) ; certes, il y a l'évocation d'amours lesbiennes. Mais tout ceci ne rattrape pas vraiment l'ennui distillé par les problèmes de bourgeois qui s'ennuient.

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