La station est une utopie construite au fil des siècles, un lieu de rencontre pacifié entre différentes espèces de la galaxie. Alors que les mouvements Spéciens prônant une pureté des races prennent de l'ampleur, la station est un refuge pour tous les hybrides heureux de l'être. Les Paramètres adaptent automatiquement chaque pièce aux besoins en température ou atmosphère de chacun·e ; des implants personnels font ce travail s'il y a plusieurs espèces dans un même espace.
Freyja, une hybride « majo Humania », est née dans la Station : elle s'y sent comme chez elle, contrairement à sa mère qui vient d'une lune principalement peuplée d'Humanias. Freyja explore avec une joie sans cesse renouvelée les recoins de la Station et fréquente tout le monde qu'elle croise. Mais elle ne va pas tarder à se faire rattraper par des enjeux plus grands qu'elle.
C'est un formidable court roman. La première moitié est construite selon deux temporalités : dans le présent, Freyja est poursuivie par des personnages dont on ignore pour l'instant tout ; ce récit est entrecoupé de longs flashbacks sur la vie de Freyja dans la Station, et sur les différents évènements qui l'ont menée jusqu'au présent du livre. C'est une construction diablement redoutable, qui donne envie de lire la suite pour pouvoir boucler le récit.
Audrey Pleynet joue avec la langue, nous immergeant dans un univers inconnu dont les clés se donnent petit à petit – un certain nombre de mots inventés ne sont pas expliqués, on en comprend le sens au fur et à mesure de la lecture. Ce procédé est utilisé avec habileté, et on n'est jamais perdu dans le récit (sauf au tout début, on est plongé dans le grand bain sans passer par le pédiluve). Je remarque que comme pour Rivers Solomon, son écriture est assez peu visuelle : elle choisit de ne pas décrire les créatures extraterrestres que l'on rencontre tout au long du récit, et se contente de quelques indications (couleur, écailles, plumes, tentacules, nombre d'yeux…) C'est habile, parce que ça laisse évidemment beaucoup de place à l'imagination.
Le fond est assez politique, on peut facilement faire des échos avec le monde d'aujourd'hui, sans que ce soit trop appuyé : on peut vraiment pleinement profiter du roman au premier degré.