Publié le 7 Février 2020

Dans ce livre, Mona Chollet décortique les injonctions faites aux femmes concernant leur corps, leur façon de s'habiller, leur maquillage… C'est très dense, très complet, très clair, très bien écrit, illustré par des exemples issus de la pop culture (Mad Men, Gossip Girl, Ally McBeal…), très sérieusement documenté.
Pourtant, je dois avouer que c'est un livre qui m'a moins soufflé que Sorcières ; je vois trois hypothèses pour expliquer cela :
1. Le livre est effectivement un peu moins bien (hypothèse la moins crédible).
2. Sorcières parlait d'une expérience sociale, du regard porté collectivement sur certaines figures, expérience à laquelle je peux prendre part. Beauté Fatale se concentre sur le corps des femmes ; n'étant pas pourvu d'un tel corps, je suis forcément laissé un peu à distance, parce qu'elle évoque des expériences qui me sont forcément un peu étrangères (même si évidemment elle évoque aussi et surtout le regard social porté sur ce corps, les injonctions qui lui sont faites, et ça me concerne bien évidemment en tant qu'homme – mais n'empêche, peut-être que ça joue un peu dans ma réception de ce livre).
3. J'imagine que quand ce livre est sorti, c'était une sorte de somme des recherches et courants de pensée sur le sujet. Aujourd'hui, ce sont des sujets dont j'ai déjà entendu parler, des sujets sur lesquels j'ai déjà lu, et j'ai l'impression de ne pas vraiment découvrir de nouvelles choses, comme ça avait été le cas pour Sorcières. Ce qui serait un reproche assez injuste à faire à ce livre.
Tout ça ne m'a pas empêché de souligner plein de passages, d'être passionné par plein de chapitres, notamment vers la fin, la description du monde de la mode et de la haute couture, qui est absolument terrifiante.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #essai, #féminisme

Publié le 4 Février 2020

Patrick Bateman, le narrateur du roman, est un golden-boy new-yorkais, très riche, beau, qui passe ses journées à la salle de sport, à se faire des soins du corps, à sortir avec des filles, à soigner son look, à prendre de la coke, à boire de la vodka, et à torturer à mort des femmes.

Bon, je suis venu à bout d'American Psycho. Ça n'a pas toujours été évident.
Ellis décrit un monde de golden-boys parfaitement répugnants et détestables. Ils évoluent dans une vacuité totale : l'argent, les gonzesses, le luxe, les fringues, l'apparence. Le racisme, l'homophobie, la violence sociale : ils se moquent des clochards, les insultent, leur expliquent qu'iels feraient mieux de trouver un boulot. Ce sont des beaufs. Bateman passe son temps à détailler les vêtements de ses compagnons, ainsi que les siens, ce qui donne lieu à de longues listes de marques qui oscillent entre la poésie et des pages publicité de magazines de luxe. Le chapitre Au Matin (p. 39) n'est que la longue liste des soins corporels de Bateman ; Au club de gym (p 95) sa longue série d'exercices de muscu. Ce sont ses centres d'intérêt. Ce sont des personnages irréels.
C'est d'ailleurs assez amusant de voir que Bateman ne parle jamais de travail. On suppose qu'il bosse dans la finance, mais il n'a pas l'air de foutre grand-chose. Lui et ses potes sont des parasites.
La violence physique, meurtrière, est elle aussi d'abord irréelle, glissée au détour d'une phrase :

Après quelques extensions supplémentaires pour me détendre, je prends une rapide douche brûlante, et file au magasin de vidéos pour rendre les deux cassettes que j'ai louées lundi, She-Male Reformatory et Body Double, mais je reloue Body Double, que j'ai l'intention de regarder de nouveau ce soir, bien que, je le sais, je n'aurai pas le temps de me masturber sur cette scène où la femme se fait perforer à mort par une perceuse électrique, puisque j'ai rendez-vous avec Courtney à sept heures et demie, au café Luxembourg. (p. 98)

Les meurtres sont mentionnés de la même façon qu'une séance de manucure. C'est un détail pour Bateman. Mais petit à petit, ils prennent plus de place, et les descriptions de séances de torture (réellement insoutenables parfois) deviennent plus minutieuses, plus précises. Bateman est un vrai psychopathe, un tortionnaire qui prend plaisir à tuer, qui fait subir à peu près les pires sévices imaginables. Mais c'est toujours décrit avec la même distance que quand il évoque ses exercices à la salle de sport. Après le meurtre d'un clochard (p. 178), on a droit à plusieurs pages de commentaires sur la discographie de Genesis (p. 180).
Et puis, petit à petit, on se rend compte que Bateman n'est pas un narrateur très fiable. Avec ses compagnons de soirée, il décrit parfois les horreurs qu'il commet, mais ses compagnons répondent à autre chose : les mots qu'il a prononcés ne sont pas ceux qu'il nous dit, ceux qu'il a pensés. Qu'est-ce qui est vrai dans ce qu'il raconte ? Il est clairement fou, il se met à halluciner de plus en plus au cours du roman. Peut-être que tout est mensonge, ou plutôt, que tout est fantasme, imagination, que rien ne se passe réellement.
Au final, qui est-il, ce Patrick Bateman ? Personne, tout le monde. C'est assez significatif qu'à peu près tous les gens qui le croisent le confondent avec d'autres : dédoublement de personnalité, ou personnalité transparente ?

Je possédais tous les attributs d'un être humain – la chair, le sang, la peau, les cheveux –, mais ma dépersonnalisation était si profonde, avait été menée si loin, que ma capacité normale à ressentir de la compassion avait été annihilée, lentement, consciemment effacée. Je n'étais qu'une imitation, la grossière contrefaçon d'un être humain. (p. 373)

Et parfois, tout de même, ce parfait sac à merde à réussi à m'émouvoir.
Je me demande s'il n'y a pas quelque chose à creuser du côté du nom de Bateman, si Ellis ne s'amuse pas de l'homophonie (en français au moins) entre Batman et Bateman : double personnalité, deux personnes qui vont tabasser des gens la nuit…
Bref, c'est une description assez extrême et violente d'un certain monde contemporain, de la dépersonnalisation propre au monde de la finance, à l'idéologie du pognon et de la réussite, un monde dans lequel on peut dépecer des gens et rester apprécié de tous. C'est un roman particulièrement percutant, dense et riche – à réserver quand même aux lecteurices au cœur bien accrochés ; je déconseille la lecture le soir avant de s'endormir…

Un petit détail savoureux que j'ai gardé pour la fin : Patrick Bateman est un fan absolu de Donald Trump.

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Publié le 30 Janvier 2020

Un sous-marin nucléaire américain a un accident à la suite d'une rencontre avec une créature lumineuse mystérieuse. Le sous-marin est perdu. Sur fond de guerre froide, les autorités américaines pensent à une attaque soviétique.
Le gouvernement US envoie une équipe de militaires pas très malins dans une plateforme de forage pétrolier sous-marine, où travaillent Bud et ses copains. Se joint à eux Lindsay, l'ex-femme de Bud, conceptrice de la plateforme.

J'ai vu ce film plusieurs fois dans ma jeunesse, et il m'avait fortement marqué. Je pense que c'est le meilleur des films que j'ai vus lors de ma rétrospective (imprévue) James Cameron (Terminator, Terminator 2, True Lies), et peut-être mon Cameron préféré. Sans doute parce qu'il est moins « gros bras » que la plupart de sa filmo : même s'il y a souvent une critique du militarisme et des militaires, souvent présentés dans ses films comme des bourrins pas malins (Aliens, Avatar et Abyss justement), ce point de vue est pour moi contredit par les films eux-mêmes, qui montrent complaisamment des bagarres, des fusillades, du gros pan pan boum boum (raison pour laquelle je pense que son Aliens est le moins bon de la série).
C'est une sorte de conte, une fable fantastique et merveilleuse. Alors il y a quelques longueurs (j'ai vu la version longue, ça joue) et surtout la fin moralisatrice est un peu lourdingue (« les humains vous êtes des méchants qui font la guerre, mais vous êtes capables d'amour, alors ça va, on vous pardonne »).
C'est aussi un thriller claustrophobe terriblement angoissant et bien mené. C'est aussi un film dont les effets spéciaux n'ont quasiment pas vieilli plus de 30 ans après (!). L'apparition des créatures est toujours aussi magique et bouleversante.

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Publié le 23 Janvier 2020

Le technophobe Grey est un peu déphasé dans ce monde du futur, puisqu'il préfère réparer des voitures des années 1970 à tous ces trucs de commande vocale. À la suite d'une attaque par des voyous, il est tétraplégique, et sa femme est assassinée.
Eron Keen, un petit génie de la programmation, lui propose alors un marché : il lui implante une puce révolutionnaire qui lui permettra de marcher, en échange du silence absolu sur l'opération. Sauf que cette puce a un truc imprévu : elle est intelligente, et parle à Grey dans sa tête.
En cherchant à retrouver les assassins de sa femme, ce dernier va se retrouver mêler dans des histoires d'humains améliorés et d'intelligence artificielle auxquelles il n'était pas préparé.

Voilà un « petit » film de SF plutôt malin et habile. Il joue sur les ressorts de l'humain évolué (coucou le transhumanisme), sur les histoires de perte, sur les questions d'identité... C'est plutôt malin, plutôt bien écrit et intelligemment filmé. En particulier, les scènes où l'IA prend possession du corps de Grey, ou la gestuelle étrange de l'acteur est amplifiée par une caméra qui le suit au mouvement près (j'avais vu qu'ils ont relié la caméra au gyroscope d'un I Phone scotché sur la poitrine de l'acteur). Bref, rien de bouleversant, mais un film habile et bien pensé (et c'est déjà beaucoup).

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Publié le 12 Janvier 2020

Dans le futur, après un effondrement causé par une guerre, la population d'Iron City vit dans la pauvreté et le crime, pendant que les heureux habitants de Zalem, une cité volante, ont l'air de se la couler douce.
Le Dr Ido, spécialisé dans la biomécanique, trouve un cyborg encore fonctionnel dans une décharge. Il la répare, et lui donne le nom d'Anita, en hommage à sa fille décédée. Anita est très forte à la bagarre, et va se battre contre des méchants qui font des trucs de méchants.

Bon, c'est pas terrible-terrible, quand même.
Visuellement, c'est plutôt réussi, le travail sur les cyborgs marche bien, les grands yeux manga d'Anita sont crédibles, les bagarres sont bien filmées, la lumière est chouette, c'est du bon travail.
C'est vraiment dommage que ce soit aussi mal écrit.
La première demi-heure ne consiste qu'en scènes explicatives. Les personnages sont assez caricaturaux, on repère les gentils et les méchants à 10 kilomètres. D'ailleurs, la plupart des personnages ne sont que des silhouettes caricaturales. Tout est particulièrement prévisible, on sait tout ce qui va se passer à l'avance. L'histoire d'amour est complètement téléphonée. Le retournement de l'ex-femme d'Ido est tellement mal amené qu'il en devient ridicule (mais le fait qu'on ne sache à peu près rien de ce personnage n'aide bien sûr pas).
Mais le plus gros problème, pour moi, est qu'Anita n'a pas de but. Elle ne fait que réagir à ce qui se passe autour d'elle, à ce qu'on lui de faire ou de ne pas faire, à ses souvenirs. Je n'ai pas compris ce qu'elle cherchait, pourquoi elle faisait ce qu'elle faisait. Donc je ne sais pas pourquoi je regarde ce film, qui n'a pas l'air de savoir lui-même où il va.
Bref, le manga est peut-être très bien, parce que j'imagine qu'il prend plus le temps de poser des enjeux, mais le film est vraiment pas terrible.

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Publié le 10 Janvier 2020

Dans un quartier pauvre de Tokyo de l'immédiat après-guerre, plusieurs personnages se disputent la garde d'un jeune enfant perdu : personne ne veut s'occuper de lui, il encombre tout le monde. Une veuve finit par perdre à un tirage au sort, et se retrouve obligée de s'occuper de lui. Elle n'est pas tendre avec lui, le dispute, l'humilie, essaye de l'abandonner. Pourtant, petit à petit, elle va se rendre compte qu'elle s'est attachée à lui.

Comme dans le très beau Voyage à Tokyo, Ozu ne filme quasiment qu'en plans fixes, très beaux, avec un soin apporté aux détails.
Je pense qu'il m'a manqué un peu de contexte, historique et social, pour rentrer dans le film au début. C'est un film qui parle d'un pays détruit, de la pauvreté des gens, de leur égoïsme, et j'avoue mal connaître cette période du Japon. L'enfant, qui n'a pas de nom, doux et gentil et particulièrement silencieux, rejeté par tout le monde, est peut-être un symbole, une métaphore, mais je ne sais trop quoi en dire. Le film se termine sur un plan de la statue de Saigō Takamori dans le parc d'Ueno, j'avoue n'avoir aucune idée de ce que ça signifie.
Le film parle de la cruauté, mais il montre au final beaucoup de tendresse.
Je ne suis pas sûr que je me souviendrai de ce film dans 6 mois.

* * *

D'après wikipédia anglophone, le titre français résulte d'une erreur de traduction, le film devrait plutôt s'appeler A Who’s Who of the Backstreets (je ne vois pas trop comment traduire ça), ce qui est un titre qui a bien plus de sens.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #Japon

Publié le 10 Janvier 2020

Llewyn Davis est un chanteur de folk à la lose. Son ancien partenaire est mort, son disque ne se vend pas, son manager est un escroc, il n'a pas d'endroit ou dormir et crèche ici et là, ses relations amoureuses sont merdiques... Rien ne va très bien dans sa vie. Il part pour un voyage à Chicago avec d'improbables compagnons qui ne se passera pas mieux que le reste.

Si Burn after reading illustre le versant comédie des frères Coen, Inside Llewyn Davis est du côté du drame. Le reconstitution de l'Amérique du début des années 1960 est réussie et attachante, les acteurs formidables, les scènes vraiment bien écrites. Pour autant, j'avoue que je ne sais pas vraiment ce que veulent raconter les Coen : ce type est un loser en pleine désillusion, certes, mais ensuite ? Pas vraiment un film mémorable pour moi.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #États-Unis