Publié le 17 Août 2019

(Je viens tout juste de me rendre compte que j'avais déjà écrit une critique de ces films en 2015. Le ton est aujourd'hui assez différent)

J'ai revu Kill Bill. Ai-je besoin d'en faire un résumé ? Bill et son équipe d'assassins ont battu à mort Beatrix Kiddo à son mariage, enceinte, alors qu'elle essayait d'échapper à l'emprise de son ancien boss. Beatrix va donc chercher à se venger, en tuant un par un chacun de ces assassins.

Et c'est comme souvent excitant, enlevé, bien dialogué, jouant sur un paquet de références : films de kung-fu, westerns, film de zombie, tout y passe. Le premier volume est plus centré sur l'action, le second sur les personnages et les dialogues, Tarantino s'amuse à faire digresser ses personnages, ça donne parfois l'impression qu'il se regarde écrire, mais il faut bien reconnaître que c'est brillant.

Mais.

Je n'avais jusque là pas remarqué à quel point Tarantino ne sait pas filmer les bagarres : c'est surcutté, confus, bordélique. Il filme comme un américain, alors qu'il aurait fallu filmer comme un hongkongais. C'est sans doute lié au fait qu'Uma Thurman, malgré tout l'amour que j'ai pour elle, n'est pas experte en arts martiaux. La meilleure scène est probablement celle en ombres chinoises (vol. 1, chap. 5), où c'est manifestement sa doublure qui fait le job.

Aussi, c'est gênant de voir le nom d'Harvey Weinsten au début du film ; on n'y peut rien mais quand même.
La logique du « rape & revenge » me gêne vraiment (il y a le même problème dans Boulevard de la Mort) (j'étais d'ailleurs complètement passé à côté de ce point à l'époque où j'ai fait ma critique). C'est un sujet compliqué : d'un côté Tarantino montre un personnage fort, puissant, pleinement conscient de ses capacités, de l'autre l'unique moteur de ce personnage est la vengeance contre les violences que des hommes lui ont infligées (viol, meurtre…). Et qu'il y a une forme de complaisance dans la façon dont Tarantino montre ces violences.
Tout le récit est en outre guidé par les hommes : moteurs de la vengeance, enseignants, sans les hommes Beatrix ne serait rien.
Et puis il y a le retournement final de la maternité : une fois qu'elle apprend qu'elle est enceinte, Beatrix ne veut plus être une assassine parc qu'elle est devenue une mère avant tout.

Pour aller plus loin, quelques lectures sur ce sujet compliqué mais passionnant : (article long mais particulièrement intéressant)

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Publié le 13 Août 2019

Un comptable et un producteur de Broadway se rendent compte qu'ils peuvent gagner énormément d'argent en produisant un flop retentissant. Ils partent à la recherche de la pire comédie musicale possible, et ce sera Springtime For Hitler, une comédie musicale nazie. Ça ne se passera évidemment pas comme prévu.

Je connaissais déjà la mythique séquence de comédie musicale nazie, que l'on trouve facilement sur le net et qui est clairement une séquence hilarante.
Autant le dire, le reste n'est pas toujours à la hauteur, même si les deux acteurs principaux, totalement en roue libre, valent le détour – comme à peu près tout le casting, qui ne fait pas dans la dentelle.
Après, c'est un film qui a plutôt vieilli sur d'autres aspects, notamment son sexisme (les femmes réduites à des objets sexuels) et son homophobie. Toute la séquence avec le metteur en scène et son assistant est particulièrement gênante, les gags reposant uniquement sur le fait que oh la la ils sont homosexuels.
Paradoxalement, les deux producteurs, avec leurs complets trois pièces et leurs chapeaux melons, incarnent un vieux monde disparaissant face aux deux hommes assumant leur homosexualité, en particulier le metteur en scène, parfaitement à l'aise dans sa robe. Je doute que ce contraste était pensé par Brooks, mais avec un regard d'aujourd'hui c'est ce qui saute aux yeux.

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Publié le 11 Août 2019

Directeur d'un musée d'art moderne et contemporain, Christian se fait voler son portefeuille, et au lieu d'appeler la police, il distribue une lettre de menace à tous les habitants de l'immeuble où se trouve son téléphone, localisé via le tracker GPS.
Dans le même temps, une artiste prépare une exposition, centrée sur The Square, un carré lumineux décrit ainsi : « The Square est un sanctuaire de confiance et de bienveillance. En son sein, nous avons tous les mêmes droits et les mêmes devoirs ».

Pour moi, le problème avec ce film, c'est qu'il ne choisit pas. Il n'a pas le courage d'assumer un parti-pris, une position.
Ruben Östlund a manifestement envie de parler du monde de l'art contemporain, de faire une satire de ce monde ; il y a quelques belles scènes, notamment quand un artiste imite un gorille à un gala, poussant la performance trop loin. Mais ces quelques scènes éparses ne disent finalement pas grand-chose, elles ne débouchent sur rien, elles n'ont pas de suite : on n'entendra plus jamais parler d'Oleg ; que retenir de cette séquence d'interview d'un artiste perturbée par un type qui a le syndrome de la Tourette ? À quoi sert-elle, que dit-elle du monde ? The Square aurait pu être un film choral, parcellaire, morcelé, avec des scénettes qui, par accumulation, par pointillisme, forment un tout qui a du sens, un ensemble cohérent.
Or, ce n'est pas ce que fait Ruben Östlund : il essaye de raconter une histoire. Sauf que là non plus ça ne marche pas. Le fait que Christian soit un sale con égoïste ne m'aide certes pas à rentrer dans cette histoire ; le fait que les prémices de plusieurs fils narratifs (l'histoire du portefeuille, la vidéo choquante) reposent sur des décisions stupides (ne pas appeler la police, mettre une vidéo en ligne sans l'accord de personne) est un autre obstacle. En quelques mots : je trouve les récits de ce film mal foutus et pas intéressants.
Et finalement, qu'est-ce que Ruben Östlund raconte dans ce film ? J'ai envie de répondre : rien. Il ne dit rien d'intéressant du monde de l'art contemporain (« oh là là parfois ça va trop loin, et puis ils sont pas tous compétents dans les musées », merci du scoop), il ne dit rien d'intéressant du monde (« parfois les gens sont des cons », merci du scoop). Je trouve complaisante et appuyée la façon qu'il a de filmer des SDF ; le message sur l'altruisme versus l'égoïsme blablabla est asséné à coups de massue. Les quelques idées intéressantes (ce Square, comme la plupart des œuvres en fait, dont la performance dOleg) ne sont pas développées, elles sont juste posées là dans un coin pour faire joli. Je trouve la forme un peu poseuse, je ne vois pas de subtilité, pas de fond.
Bref, je crois bien que je n'ai pas aimé.
Et je ne comprends vraiment pas que The Square ait eu la palme d'or.

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Publié le 8 Août 2019

Ce roman se place dans un futur dystocique, placé sous surveillance généralisée, dont les habitants sont entièrement tournés vers le travail, sans cesse, jusqu'à l'effondrement. Dans ce monde, une mystérieuse Stern plante une graine de rébellion via de la poésie diffusée sur des radios pirates.
Il y a aussi l'histoire d'Oskar, un jeune garçon qui un été rencontre une fille mystérieuse, et des évènements étranges qui se produisent ensuite.

Ce qui est remarquable dans ce roman c'est la langue de Lucie Taïeb. Poétesse, elle joue avec les mots, leur mystère, leur étrangeté ; elle nous mène par le bout du nez, commençant un paragraphe sans que l'on sache précisément de quoi elle parle, et puis un mot éclaire tout et donne une lumière nouvelle aux lignes que l'on vient de lire. C'est une écriture pas toujours évidente, parce qu'elle joue à perdre le lecteur, mais une fois qu'on est dedans, qu'on a lâché prise, c'est vraiment magnifique. Le récit lui-même est plein de ces mystères, plein de trous et d'inconnus, mais ici aussi il faut se laisser porter par la puissance poétique des mots. C'est vraiment un roman superbe.

* * *

(Je fais un long résumé du livre, mais c'est pour le travail)
(je vais évidemment complètement spoiler le livre)

Été
Un monde totalitaire, tourné vers le travail, la surveillance et la peur. Des gens qui s'effondrent au travail, épuisés, l'effondrement est ritualisé ; ces travailleurs qui disparaissent avec leur famille, emmenés on ne sait où.
Des petites radios, une voix qui dit des poèmes, qui chante. Une femme, Stern, l'étoile. Une voix douce, pas d'appel à la révolte, plutôt des souvenirs oubliés du monde d'avant, les vacances, la joie, la vie simple, l'amitié.
Le jeune garçon Oskar, Corinne une fille qui vient d'ailleurs, elle le fascine, il la suit le long de la voie ferrée sans dire un mot, elle s'en amuse, joue avec lui. Le père avec la jeune sœur d'Oskar sur une barque, inquiétant.
Un graffiti, une citation de Stern : « que ferais-je de vous, qui êtes déjà si complètement, si parfaitement asservis ? »
La sœur d'Oskar marche avec Corinne, complicité, secrets échangés. Plus tard, une étreinte, des baisers. Une des deux filles noyée, tuée par une bande de gamins rageux, l'autre fille à jamais changée.
Un agent de surveillance, chargé de profils jugés dangereux, une femme aux cheveux rouges et aux yeux translucides lui donne une radio. Il se mer lui aussi à écouter Stern.

Automne
Il y a une vague d'effondrements, volontaires.
Stern lit un vieux Robert du XXe siècle, les mots oubliés, notamment « insubordination ». On dirait qu'elle parle depuis le passé, elle fait des confitures.
L'agent de surveillance recroise la fille aux cheveux rouges qui lui a donné le transistor, elle lui donne un papier : quatre traits, un astérisque. À l'écoute de Stern, une de ses phrases fait tilt : le papier est un message écrit à l'encre sympathique, un rendez-vous. Stern parle par codes qu'il faut déchiffrer. La fille apprend à l'agent qu'elle, et d'autres, sont des effondrés qui ont réussi à s'échapper du lieu de rééducation au travail. Le narrateur sort du rendez-vous troublé.
Oskar à des problèmes à l'école. Mystère sur cette sœur : il est enfant unique (p. 72), il y a eu un étang mais c'était il y a très longtemps, avant Oskar, il n'y a pas de lac ni de barque avec le père. Personne n'a entendu parler de fille noyée. La mère d'Oskar, ses confitures, ses confidences, c'est sans doute Stern. Oskar, désormais, dit s'appeler Askaro. Son histoire est une fiction qu'il faut démêler. Il refuse, il ne mange plus.
L'agent s'effondre, juste au moment où il y a une attaque telle que redoutée par les autorités : une femme qui se fait avaler par l'asphalte (p. 92).
Oskar se meurt, mais continue à vivre sa vie comme un pantin. Sa mère le prend à l'école, part avec lui, abandonnant le père.

Hiver
La femme erre sur les routes, dans sa voiture, dans un brouillard sans fin, avec ce fantôme qui n'est plus son fils.
La jeune femme aux cheveux rouges qui s'enfuit avec une vielle femme, elles sont Stern (et la vielle est probablement la mère).
L'agent, porté par l'attaque et la guerre, rejette Stern, la fille, toutes ces histoires. Il a tout raconté, est prêt à tout pour les trouver et les punir.
La fille coupe ses cheveux rouges, la vieille lui donne ses yeux translucides, très identifiables. Elles s'enfuient, diront qu'elles vont à la campagne, où la terre ne les avalera pas. Elles s'enfuient dans le brouillard.
Oskar n'évolue pas, il dort sans cesse, la mère est toujours dans le flou, ne sait pas ce qui est vrai. Elle ne croise personne dans le brouillard.
La vieille et la fille continuent leur chemin, la route est sans fin. Elles finissent par sortir de la ville.
Les vigiles attrapent des filles, les torturent, on les fait passer pour Stern, on diffuse leurs hurlements dans les rues, elles servent de boucs émissaires. Résultat : les rues sont vides, plus personne ne sort. « Ils se coordonnent », les habitants de la ville. Comment les remettre au travail après ? (p. 154)

Mai
Les habitants de la ville se sont organisés, en autogestion, en autonomie, in créé des fermes urbaines sur les toits (p. 165). Le monde a changé, la dictature est désemparée, tous ses repères sont tombés.
La mère, sur la route, croise la vielle et la fille. Cette dernière part avec la mère, final à la plage.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #littérature, #France

Publié le 7 Août 2019

Nous sommes autour du IIe siècle avant J.-C., à l'époque où la Chine est divisée entre sept royaumes qui se font constamment la guerre. Le Roi de Qin, réputé pour sa violence, cherche à unifier ce territoire.
Un formidable guerrier, Sans Nom, va voir le Roi de Qin pour lui annoncer qu'il a défait les trois assassins qui complotaient contre lui. Il raconte au Roi par le détail la façon dont il a réussi à occire ces trois redoutables combattants.

C'est un récit étonnamment borgésien pour un film de sabre : l'histoire que raconte Sans Nom est un mensonge. Il y a trois versions différentes du même récit, qui chacune apporte une petite variation. Et j'avoue que c'est vraiment quelque chose que j'aime : être trompé dans ce qu'on me raconte, que l'on joue avec ma crédulité, chercher la vérité.
Ensuite, c'est vraiment graphiquement très beau ; les ambiances colorées sont un peu appuyées mais ça marche bien dans la logique du récit, les combats sont spectaculaires, bref, c'est top.

 

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #kung-fu, #Chine

Publié le 7 Août 2019

Tout le monde connaît plus ou moins l'histoire de cet industriel nazi qui engage des Juifs, qui coûtent moins cher, pour travailler dans son usine. Quand ses ouvriers sont déplacés du ghetto de Cracovie pour être placés dans un camp de concentration, Schindler va tout faire pour garder sa main d'œuvre, jusqu'à finir par sauver autant de Juifs que ses moyens lui permettent.

Et je n'ai pas grand-chose d'original à dire de ce film que je vois pour la première fois : c'est magistral, inventif, c'est beau, émouvant, il y a plein d'idées de mise en scène, bref c'est formidable.

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Publié le 4 Août 2019

Le Syndicat du crime est l'histoire de Ho (Ti Lung), un maffieux qui s'est fait chopper, et qui à sa sortie de prison essaye de se retirer des affaires. Pris en étau entre le milieu qui ne veut pas le lâcher, son ami Mark (Chow Yun-fat, impressionnant) et son petit frère policier (Leslie Cheung), ça ne va pas être aussi simple…

C'est donc une histoire d'honneur, de loyauté, de fraternité, d'amitié. C'est un film d'action, avec scènes de fusillades et sang qui gicle à gogo. C'est plutôt bien fait, mais j'en garde une sensation de déjà-vu qui est sans doute injuste, puisque c'est un film qui a apparemment massivement influencé le cinéma américain.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #Hong-Kong