Jackie Brown (Quentin Tarantino, 1997)

Publié le 13 Août 2015

Jackie Brown (Quentin Tarantino, 1997)

Jackie Brown, sorti en 1997, est le 3e long-métrage de Tarantino, après Reservoir Dogs (que je n'ai toujours pas vu) et Pulp Fiction. Suit un silence de 6 ans, et un retour fracassant avec les Kill Bill.

Un film de Tarantino n'est jamais facile à résumer, tant ce sont les intrigues secondaires et les détails qui font tout le sel de ses films. Essayons quand même : Ordell Robbie (Samuel L. Jackson, ridicule à souhait avec sa calvitie + cheveux long, et sa queue de rat sous le menton) fait tourner un petit buisness de vente d'armes illégales, et se prend pour un caïd. Il planque son argent au Mexique, avec l'aide de l'hôtesse de l'air Jackie Brown (Pam Grier). Sauf que la police est sur la trace d'Ordell, et intercepte Jackie avec des liasses dans son sac. S'ensuit un grand jeu de dupes à tiroirs très Tanrantinesque : la police essaye de se servir de Jackie pour piéger Ordell, Jackie veut piéger la police et Ordell, pendant que ce dernier essaye de piéger la police et Jackie...
Il faut signaler que Jackie Brown est une adaptation, apparemment relativement fidèle en termes d'intrigue et de dessin des personnages, d'un roman d'Elmore Leonard ; ce qui n'empêche pas le film d'être Tanrantinesque à souhait.

Je trouve difficile de critiquer un film particulier de Tarantino, tant je les trouve presque tous de la même (grande) qualité, et tant son style est marqué, codifié, et récurrent dans la plupart de ses films, même si en constante évolution. Je vais essayer de me livrer à un exercice difficile : une analyse, forcément très partielle et subjective, de quelques éléments du style de Tarantino à l'époque de Jackie Brown, très proche de celui de Pulp Fiction, sorti en 1994, soit trois ans avant JB.
On le sait, dans les films de Tarantino, les personnages parlent beaucoup, ou plus exactement, ils négocient énormément – la partie « négociation » s'estompe peut-être un peu par la suite. Savoir qui a raison, qul est le plan, qui doit faire quoi... Tarantino met en place plusieurs stratégies de mise en scène pour ces négociations, dont le plan-séquence et le champ/contre-champ.
Le plan-séquence chez Tarantino n'est pas virtuose, ni impressionnant*, c'est même souvent un plan fixe. Il met en lumière le jeu des acteurs, et en valeur la tension qui se dégage d'un dialogue particulier. Le plan-séquence-fixe a ce pouvoir : il dure, il dure, et on est au fond de notre siège à attendre de savoir comment ça va se terminer. Cette tension est parfaitement rythmée par les dialogues écrits au poil par Tarantino.
L'autre stratégie est celle du champ/contre-champ, mais nerveux, vif, rythmé comme une fusillade. On a l'impression d'être un spectateur assis au milieu de la scène, entre les deux personnages qui s'envoient des répliques au visage, et de tourner la tête à droite et à gauche, comme dans un match de tennis. C'est un autre moyen de créer une tension.
Dans tous les cas, son cinéma est à l'époque quasiment dépourvu d'effets de caméra (zooms, travellings éclairs...) ou de jeux graphiques (silhouettes, écrans rouges...), qui deviennent légion ensuite. Peut-être parce que les scènes d'action pure apparaissent plutôt à partir de Kill BillI ? Tarantino apprécie tout de même nettement les points de vue inhabituels qui préfigurent peut-être son travail par la suite : plan depuis un coffre de voiture, depuis le regard d'un cadavre...

Il faut aussi souligner que Tarantino est un excellent directeur d'acteur, et que Pam Grier, qui joue Jackie Brown, ancienne star de films de blaxploitation, est magnifique et parfaite dans ce rôle.

* J'en profite pour signaler cette vidéo passionnante sur le plan-séquence de Spielberg. Toute la chaîne Youtube de ce type est à regarder, tant il parle intelligemment et brillamment de cinéma.

***

Il faut probablement aborder le problème De Niro. Autant dans Taxi Driver, il est époustouflant, autant dans Les Affranchis, il frôle par moments le ridicule. Il a un petit rôle dans Jackie Brown qui fait clairement partie de sa période « je grimace pour faire genre je suis un gangster méchant ». Certains ont l'air d'apprécier, je trouve ça vraiment grotesque.
Il faudrait se pencher sur sa carrière pour trouver le moment de bascule entre l'acteur génial et l'acteur ridicule, savoir si c'est soudain ou une longue descente aux enfers (enfer qu'il a probablement bien atteint depuis une dizaine d'années).

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #Tarantino, #États-Unis

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