Shirley (Josephine Decker, 2020)

Publié le 1 Octobre 2020

Rosie et son jeune mari Fred emménagent chez Stanley Hyman et l'écrivaine Shirley Jackson1. Fred débute un travail d'assistant de Stanley Hyman, enseignant à l'université. Dès leur arrivée, Stanley demande à Rosie de s'occuper de leur maisonnée, Shirley étant manifestement en dépression et incapable de gérer les tâches domestiques – sans même parler d'écrire.

C'est un film sur l'emprise masculine, c'est un film sur une femme au travail, c'est un film sur l'émancipation.
Shirley et Rosie sont en lutte avec leurs maris respectifs – voire avec celui de l'autre. Stanley Hyman est un personnage ambigu et intéressant, à la fois bienveillant et autoritaire, attentionné et trop présent, drôle et oppresseur. On imagine qu'il essaye de bien faire, d'être à l'écoute, mais il est trop patriarcal pour vraiment être un allié. Fred, le mari de Rosie, est plus franchement un crétin abusif, dont Rosie va progressivement se libérer au contact de Shirley Jackson, une femme pleine d'esprit, indépendante, intelligente, en lutte contre elle-même et contre le reste du monde.
En sévère dépression au début du film, Shirley se libère petit à petit au fur et à mesure de l'écriture de son roman. Rosie, jeune femme intelligente qui aurait manifestement bien aimé poursuivre ses études au lieu de devenir domestique, trouve son émancipation au contact de Shirley.

Bien que plutôt linéaire, le récit est plein de « trous » : on débarque dans la vie de Shirley et Stanley en même temps que Rosie et Fred, sans savoir ce qui fonde leur couple, ce qui a bien pu se passer avant, on l'apprendra petit à petit. En cela l'écriture est assez remarquable, tout autant que la réalisation, avec cette caméra organique, troublante, sensuelle, parfois un peu dérangeante, mais dans tous les cas très personnelle et belle.
Mais pourtant, je dois bien avoir avoir été plus marqué par Madeline's Madeline, le film précédent de Josephine Decker : sans doute la découverte d'un nouveau style de cinéma, un récit plus éclaté qui rend l'expérience forte… Il n'empêche que Shirley est un film magnifique.

* * *

1. Je me suis rendu compte après coup que la BD La Loterie, de Miles Hyman, est une adaptation d'une nouvelle de Shirley Jackson. Miles Hyman est d'ailleurs son petit-fils.

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #États-Unis, #féminisme

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