Ginger Snaps (John Fawcett, 2000)

Publié le 6 Mars 2018

Deux sœurs, Ginger et Brigitte, très proches voire fusionnelles, sont des outsiders, des loners, qui considèrent que tous les autres sont des cons et qui sont rejetées par les autres. Elles sont très attirées par la mort, ayant fait un pacte que l'une ne mourrait pas sans l'autre. Ce sont pire que des gothiques : des fans de Tim Burton.
Toujours est-il qu'une grosse bête rôde autour de cette petite ville tranquille du Canada, tuant les chiens du quartier. Un soir, l'ainée des deux sœurs est attaquée par cette bête, qui meurt peu de temps après, écrasée par une camionnette. Mais c'est trop tard : cette bête était un loup-garou, Ginger est contaminée et sa transformation est inéluctable…

Bon, dans ce film, il y a un peu de bon et beaucoup de moins bon.
Disons-le tout net : ce film est presque un nanar. C'est pas trop trop mal écrit, réalisé et interprété, mais les effets spéciaux sont vraiment très mauvais pour l'an 2000.
La première partie est intéressante, avec ces sœurs qui questionnent la société, sont confrontées aux autres, aux problèmes de l'adolescence (les premières règles). Il y a quelque chose d'un peu féministe, même si ça ne va pas très loin.
Ça se gâte à partir du moment où Ginger se transforme en louve-garou. Le film devient très cliché, très long – et puis les effets spéciaux, mon dieu mon dieu.

Et alors que le début pouvait être féministe, le film devient, malgré lui, je trouve, très réac. C'est un paradoxe manifestement classique des films d'horreur, que j'ai découvert grâce à Karim Debbache : le « death by sex ». En gros, dans les films d'horreur, les personnages qui ont des relations sexuelles, qui sont sexualisés, qui ont une sexualité épanouie, couic, ils meurent. On peut voir ça comme le retour de la révolution conservatrice face à la révolution sexuelle, un retour de l'ordre moral, un châtiment puritain et anti-féministe (parce que ce sont souvent les femmes qui sont visées). Et c'est paradoxal, parce que ce qui attire le public dans ce genre de films, c'est justement la violence et le sexe. C'est comme une promesse de casser les codes et l'ordre établi, alors qu'en fait le fond politique est réactionnaire et puritain.
Et donc Ginger Snaps tombe complètement dans ce travers. Quand Ginger se transforme, elle se sexualise : elle a ses règles, elle a des relations sexuelles, elle devient sexy. Et... elle se transforme en monstre dangereux et meurtrier et (spoiler !) elle meurt à la fin. Je vois ça comme un châtiment : la sexualité est monstrueuse, dangereuse, et mérite d'être punie. Sa sœur, qui reste prude et puritaine, s'en sort plutôt bien (enfin plus ou moins).
Un autre problème : les outsiders sont confirmés dans leur rôle de freak. Les deux sœurs sont un peu bizarres, asociales, le seul qui va chercher à leur parler et à les aider, c'est le dealer de drogue local. Les autres, la « norme », les rejettent. Et en même temps ils ont bien raison, puisque ce sont des gens vraiment dangereux ! Un type « normal » est contaminé par Ginger en couchant avec elle (oui, le lycanthropisme est une MST), mais lui il guérit, il s'en sort si bien que le film finit par oublier complètement son existence : il n'appartient pas au monde des freaks, c'est un homme, il ne mérite pas vraiment de châtiment donc il s'en sort bien.
Et c'est donc paradoxal : voilà un film d'horreur, avec du sexe et de la violence, et un fond un peu féministe (et les louve-garous, ça ne court pas les rues !), mais qui ne remet pas du tout en question la normalité/norme, voire qui la conforte, et qui « punit » ceux qui en sortent.

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #horreur, #nanar, #féminisme

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