Les aventures d'Huckleberry Finn (Mark Twain, 1884)

Publié le 14 Mars 2018

Huck est un enfant un peu vagabond sur les bords, qui au début du roman il est hébergé par une veuve qui essaye de l'éduquer et de le convertir au christianisme, mais il s'ennuie et ne rêve que de retourner vivre une vie sauvage. Après moult péripéties, il partira descendre le Mississippi sur un radeau, en compagnie de Jim, l'esclave « Nègre » de la veuve qui s'est enfui.

Les Aventures de Tom Sawyer (que je n'ai pas lu) est sorti en 1976 ; c'est selon Mark Twain un « roman pour enfants pour adultes ». Huckleberry Finn est en quelque sorte un « spin off » écrit 8 ans après, et pour le coup, ce n'est pas un roman jeunesse – même si en France il a longtemps été considéré comme tel, et traduit/adapté pour un public enfantin.

Bref. C'est un roman qui porte bien son nom : ce sont bien « les aventures » d'Huck que l'on lit. C'est-à-dire que c'est écrit comme un feuilleton, avec une suite de péripéties, sans qu'il y ait de réel arc narratif qui nous tienne sur toute la longueur du roman. Et vous me voyez peut-être venir, c'est une des limites de ce livre, qui se lit plutôt avec plaisir, mais qui n'a pas réussi à vraiment m'accrocher : si on le pose quelque temps, rien ne nous pousse à le reprendre. En d'autres termes, ça m'a plutôt plu, mais je me suis un peu ennuyé (ce qui est un comble quand il s'agit d'un roman d'aventures).
Malgré tout, la langue de Mark Twain est remarquable, et manifestement bien traduite dans mon édition (par Freddy Michalski, L'œil d'or, 2009). Huck, le narrateur du roman, est un enfant sans éducation qui parle une langue sauvage et inventive. Jim parle aussi une langue particulière, sans les R, qui ressemble à celle que parlent les Noirs dans Tintin, ce qui m'amène à un autre point : le racisme du livre.
Certes, c'est un ouvrage presque nihiliste : l'humanité et principalement le monde des adultes sont dépeints mauvais, méchants et bêtes ; la religion en prend pour son grade... Certes, il y a un fond abolitionniste : Jim cherche à fuir l'oppression (et y parvient). Mais (il y a un mais), Jim correspond parfaitement au cliché du « bon Nègre », il est gentil, généreux, un peu idiot ; Huck, même s'il l'aime bien, ne peut s'empêcher de ressentir une forme de dégoût pour ce « Nègre » qui s'enfuit, aider un esclave lui semble être une des choses les plus viles du monde, et il ne se gêne pas pour le mentionner plusieurs fois*. Tom Sawyer, qui apparaît à la fin du livre, n'a pas ces scrupules. Ah et puis Huckleberry Finn est aussi très sexiste.
Ça m'évoque le malaise que j'avais ressenti en lisant Ce qu'il advint du sauvage blanc, sauf que ce dernier livre est sorti en 2012, alors qu'Huckleberry Finn est sorti en 1884, et que je sais qu'on ne peut difficilement juger un livre qui a 134 ans avec le regard d'aujourd'hui et tout et tout – mais quand même.

Sinon, il est tête à claques ce Tom Sawyer. Je sais que ça se veut drôle, mais cette façon de toujours vouloir avoir raison, de tout vouloir compliquer, et c'est pas comme ça qu'on fait gnagnagna, il est surtout relou.

* * *

* Alors peut-être que le discours de ce personnage, anti-abolitionniste, est sensé montrer une position qui évolue (en réalité bien peu) au cours du roman, de montrer les contradictions de cette position : Huck considère comme complètement anormal et « immoral » que Jim soit en liberté, mais en même temps il l'aime bien, c'est son copain, et il a pas vraiment envie de le balance aux autorités. Mais le discours d'Huck n'est pas vraiment contredit, n'évolue pas vraiment. Et c'est limiter la question de l'esclavage à une question de personnes : l'esclavage, c'est bien, sauf pour lui parce que je l'aime bien.

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #littérature, #littérature américaine

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