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Publié le 17 Juillet 2015

Quatre jeunes garçons remontent le cours d'une rivière, qui leur permet magiquement de remonter le cours du temps, à la recherche des trilobites (ces espèces de cafards marins pour lesquels je ne traverserais sûrement pas toute l'histoire du vivant). Notant leurs observations dans un précieux journal, ils croisent des mammouths, de drôles d'autruches, des hommes préhistoriques, de dangereux félins, des ptérodactyles, des stégosaures...

Il ne faut pas se le cacher, c'est un film didactique qui vise à montrer la magie des créatures du passé à des enfants émerveillés. Ce n'est pas un défaut en soi, mais cela peut impliquer certaines maladresses présentes dans le film, comme ton un peu professoral ou un scénario qui aurait mérité d'être creusé : les 4 garçons n'ont aucune personnalité propre, à part des caractéristiques très vagues telles que le jeunot, le photographe, le type qui écrit le journal, et le dernier qui ne sert à rien. Il faut admettre qu'ils sont débrouillards, certes, mais assez stupides : « Je suis au milieu d'un endroit inconnu et hostile rempli de créatures possiblement féroces, et si j'allais me promener tout seul pendant que mes copains ont le dos tourné ? » Au bout de la 4e fois que cette ficelle est utilisée pour créer du suspense, j'avoue avoir ressenti un léger agacement. On peut avoir tendance, dans ce genre de cas, à trouver des excuses au film parce qu'il est vieux, mais non, ce sont de vrais défauts (par contre la gestion du rythme a effectivement évolué depuis les années 50).
Le film vaut surtout pour la poésie de ses effets spéciaux. Les créatures que les enfants rencontrent sont soit des marionnettes soit réalisées en stop-motion, et on devine facilement l'admiration des spectateurs de l'époque devant la beauté de ces images, leur poésie ; mais les extraits sur youtube peuvent largement suffire.

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Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #cinéma, #fantastique

Publié le 9 Juillet 2015

Réalité, sorti en 2014, est le premier film de Quentin Dupieux que je vois. Oui, je sais, on a tous des lacunes.

Jason (Alain Chabat) est cadreur sur une émission culinaire un peu étrange, présentée par un type en costume de rat. Il rencontre un producteur, Bob Marshall (Jonathan Lambert) pour lui parler d'un projet de film qu'il aimerait tourner, une histoire de téléviseurs qui tuent les humains à l'aide d'ondes mortelles. Bob est emballé, il ne demande qu'une seule chose pour signer : que Jason trouve le meilleur gémissement de douleur de l'histoire du cinéma. En parallèle (en même temps ?) Réalité, une petite fille, accompagne son père chasser. Lorsque celui-ci vide le sanglier qu'il vient de tuer, Réalité voit une cassette VHS bleue tomber des entrailles du gibier.

Réalité est un film légèrement hors du temps (une VHS ?) et hors de l'espace. On est aux États-Unis, cela ressemble aux collines de Los Angeles, mais aucun indice ne permet de l'affirmer précisément. Ça parle français, ça parle anglais... La « réalité » du titre n'est clairement pas dans l'image (fort jolie au demeurant, aux couleurs un peu passées qui plonge le film dans une ambiance un peu ouatée, irréelle). Mais la « réalité » n'est pas non plus dans le scénario. Au contraire, celle-ci semble toujours échapper aux personnages – et au spectateur. Assez vite, des grains de sable grippent la machine narrative : personne d'autre que la petite Réalité n'a vu la VHS tomber, pas même le père qui avait pourtant les mains dans la bête. Le présentateur de l'émission culinaire a de l'exéma, mais quand il montre les rougeurs qui le démangent atrocement, personne ne voit rien. Le film, qui pourrait commencer comme une comédie (le producteur que Jonathan Lambert est joliment fou, la rencontre avec Chabat est parfaitement écrite, rythmée et interprétée) devient progressivement de plus en plus étrange et de plus en plus angoissant. Réalité, fiction, rêve ? Rapidement personne ne sait plus où il est. Le film joue avec les effets de croisements entre plusieurs histoires, réelles, imaginées ou fictionnelles, mélangeant tous les niveaux de réalité présentée dans le film, jusqu'à perdre tout le monde. Film dans le film, rêve dans le rêve... Mais même si à un ou deux moments le film semble patiner (volontairement ?), il retrouve toujours pied – pour mieux le reperdre ensuite. Le principe du film ne peut manquer de rappeler David Lynch, surtout depuis Lost Highway. Peut-être y a-t-il un rapprochement à faire entre le mystérieux cube bleu du Mulholland Drive de David Lynch et la VHS bleue de Réalité ? Quentin Dupieux a au moins le désir de s'en éloigner visuellement : il fait presque toujours jour et soleil dans Réalité, quand Lynch aime à ajouter à l'oppression du spectateur en assombrissant ses films...

Je note que le film est très bien interprété, et que Chabat, qui n'est pas le meilleur acteur du monde (même si ♥) est ici parfait.

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Publié le 10 Janvier 2012

Commençons ce blog par Take Shelter, de Jeff Nichols, qui n'a fait qu'un autre film dont le pitch ne me donne pas plus envie que ça, mais que voulez-vous, c'est comme ça.

Ça se passe dans la campagne américaine, dans l'Ohio. Vous savez, cette Amérique avec pick-ups, avec petit pavillon avec jardin, avec le mari qui bosse dur, la femme à la maison qui fait la cuisine, qui fait des rideaux et des coussins qu'elle vent sur des marchés, avec un gros chien. Et avec un abri anti-tempêtes, parce que ça peut souffler, dans le coin. C'est l'histoire de Curtis LaForche (Michael Shannon), simple ouvrier, qui a une chouette vie, une jolie femme (Jessica Chastain), une fille sourde-muette mais ils le vivent bien.

Un beau jour (ou peut-être une nuit, je ne sais plus) Curtis fait un cauchemar. Il rêve d'une tempête. Une vraiment grosse, avec 2 ou 3 cyclones en formation, une pluie lourde et grasse. Une tempête qui rend fou : son chien lui saute dessus et commence presque à lui manger le bras. La douleur lui reste pendant plusieurs heures après le réveil. S'ensuivent plusieurs rêves du même type, et la folie qui monte, parce que Curtis est persuadé que ce sont des rêves prémonitoires. Il y croit dur comme fer. Il enferme son chien, il dépense toutes les économies familiales pour retaper l'abri anti-tempête. Il est à moitié lucide seulement : il se rend bien compte que ce qu'il fait est bizarre, irrationnel, mais il n'arrête pas pour autant. Il est tout empli de ce devoir impérieux, confus de « protéger sa famille » contre une catastrophe improbable.

Au final, c'est un film catastrophe dont la catastrophe est dans la tête d'un type. Comme un huis clos dans la tête d'un personnage ordinaire qui a l'air de devenir fou. A l'air seulement, parce qu'on est avec lui dans sa tête, parce qu'on a envie d'y croire à ses délires. On est loin de Roland Emmerich.

Et Jeff Nichols maîtrise son affaire. Contrôle complet du rythme, du tempo, de la tension et du repos, maitrise des émotions du spectateur. La montée progressive de la folie du personnage, sa paranoïa. La façon dont il distille le doute, parce que malgré tout, on l'aime bien ce Curtis, et même s'il a l'air de péter un câble, on a presque envie qu'il ait raison. Et bien sûr Michael Shannon, parfait, qui porte le film de façon impressionnante (et Jessica Chastain, et tout le monde, d'ailleurs) (Et d'autres petits détails que je ne veux pas raconter ici, parce que ça gâcherait la surprise.)

Il n'y a que la fin qui me gêne un peu – mais évidemment, je ne vais pas la dévoiler. Je ne sais pas si elle est à la hauteur du film. Et en même temps, c'est aussi une bonne fin. Avec Charlotte on y a réfléchi, et toutes nos idées étaient moins bien que celle qu'il propose. Peut-être quand même aurais-je préféré une fin un poil plus ouverte. Mais je chipote.

Au final, c'est un film fort, superbe, et puissant. Qui m'est resté plusieurs heures dans la tête après l'avoir vu. Et que je n'ai pas envie de quitter.

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