Le mythe de Cthulhu (H. P. Lovecraft)

Publié le 13 Juillet 2017

J'ai donc continué mon exploration de l'œuvre de Lovecraft avec un recueil de nouvelles plus ou moins courtes.

L'appel de Cthulhu (1926)

Un scientifique explore les notes d'un illustre prédécesseur, à propos d'un jeune sculpteur qui en rêve voit d'ignobles créatures, et d'une sorte de contagion de ces rêves terrifiants à travers le monde. Un lien est fait avec des rites maléfiques en Louisiane, adorant un Ancien antédiluvien que l'on appelle Cthulhu, monstre destructeur venu sur Terre il y a des millions d'années, capable de contrôler les rêves des humains. Le récit d'un marin suédois vient compléter ce tableau : après tempêtes et dérive, lui et ses compagnons tombent, au milieu de nulle part, sur un immense temple terrifiant qui émerge des eaux, abritant en son sein le terrible Ancien.

Par-delà le mur du sommeil (1919)

Un montagnard un peu simple a des rêves fantastiques et extatiques, impliquant une créature mystérieuse. Par moments, il est comme possédé et pris de rage ; il est interné après avoir tué un homme. Un éminent professeur l'étudie et est très surpris par l'apparente richesse de ses visions et sa condition simple qui semble lui interdire d'avoir de l'imagination (ah, les gens simples de la campagne). Le professeur lui pose un appareil permettant le connecter les pensées et les rêves : ainsi il peut entrer dans le rêve d'extase, et communiquer avec la créature lumineuse qui hantait le montagnard. La créature est heureuse de parler au professeur, ses rapports étaient limités avec le montagnard à cause de sa stupidité provinciale. Elle parle d'un combat qu'elle a à mener dans des contrées lointaines de l'espace contre un méchant. Le rêve s'interrompt par la mort du montagnard.

La tourbière hantée (1926)

En Écosse, un aristocrate veut restaurer un château familial bâti sur une tourbière sur laquelle des légendes effrayantes circulent depuis la mort mystérieuse de son occupant. Des manifestations monstrueuses vont confirmer les rumeurs.

La peur qui rôde (1923)

Cette longue nouvelle raconte l'histoire relativement classique d'un château hanté par une créature démoniaque liée au tonnerre, d'ancien propriétaires maudits, de villageois apeurés et d'apparitions cauchemardesques mortelles.

[Mon recueil comprend d'autres nouvelles que je n'ai pas eu le courage de lire]

Lovecraft applique toujours la même recette : des notes, des récits détaillés, des gens simples en contact avec des puissances occultes éclairés par le savoir d'un scientifique, une gradation dans l'horreur au fur et à mesure des découvertes ignobles, jusqu'à la révélation d'une créature monstrueuse et d'une fin du monde à venir. Ça marche, c'est efficace, ça rejoint ce que j'ai dit des Montagne hallucinées, mais c'est une forme de déclinaison des mêmes principes.
Certaines nouvelles cependant sont plus classiques, et ne font pas vraiment partie de la mythologie que dessine Lovecraft autour des Anciens et du Necronomicon : histoires de fantômes et possession classiques, qui m'évoquent Edgar A. Poe. Elles sont moins intéressantes, plus longues, certaines sont même vraiment laborieuses – au point que j'ai abandonné le recueil, un peu lassé.

Sinon il faut parler un peu du racisme1 de Lovecraft. On me dira peut-être que c'est l'époque qui veut ça, patati patata, mais elle a bon dos l'époque. L'originalité de Lovecraft, si on peut dire, c'est qu'il ne pratique pas seulement un racisme de couleur de peau, mais également un racisme de classe : la société contient des être supérieurs (scientifiques, intellectuels), et des êtres inférieurs (tout le reste de la population). On trouve des pages expliquant qu'untel est issu de telle communauté de métis dégénérés et repoussants2, des discours d'un mépris extrême et dérangeant envers des ouvriers, des passages dépeignant des ruraux comme une race de dégénérés stupides et incultes3...
Ce qui est étonnant, vu l'ampleur du problème, c'est que je ne m'en sois pas vraiment rendu compte à la lecture des Montagnes hallucinées... Sans doute que ces nouvelles se concentrant sur les aventures de scientifiques mâles blancs masquaient mieux le problème. En tous cas je découvre que c'est un fait bien connu et avéré : une simple recherche google donne plein de résultats, Wikipedia y consacre deux paragraphes entiers reprenant peu ou prou ce que je dis...
Voilà voilà.

* * *

1. Je ne sais pas si le mot race apparaît dans le texte original mais c'est probable. Dans tous les cas, le traducteur de mon édition, que je devine mal à l'aise, l'évite.

2. « Tous les prisonniers avaient démontré leur appartenance à une espèce bâtarde, vile et mentalement aberrante. Ils étaient pour la plupart marins, une aspersion de nègres et de mulâtres en provenance des Caraïbes ou du Cap-Vert qui offrait une teinte vaudou au culte. Cependant, avant que bien des questions ne soient posées, il devint apparent qu'il y avait quelque chose de plus profond et plus vieux que du fétichisme nègre. Aussi avilies et ignorantes qu'elles étaient, ces créatures s'accrochaient avec une ténacité surprenante à l'idée centrale de leur foi répugnante. » L'appel de Cthulhu

3. « [...] Un de ces rejetons étranges et repoussants d'une race paysanne primitive de colons, que près de trois siècles d'isolement dans les repaires accidentés d'une campagne peu fréquentée avaient plongés en une sorte de dégénérescence barbare, au lieu qu'ils progressent comme leurs congénères plus heureux des districts fortement peuplés. Chez ces gens bizarres, équivalents exacts de l'élément décadent des « petits Blancs » du Sud, il n'est ni loi ni morale, et leur niveau mental est probablement inférieur à celui de n'importe quel autre groupe américain de souche », Par-delà le mur du sommeil, p 41 (on notera que l'expression « américain de souche » ne fait très probablement pas références aux Natifs américains...)
« [Les montagnards] étaient simples, comme des bêtes, retournant d'ailleurs doucement à l'état animal, en raison de leur malheureuse hérédité et de leur isolement abêtissant. » La peur qui rôde, p 71.

Rédigé par Vincent Sorel

Publié dans #littérature, #littérature américaine, #fantastique, #horreur

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